Le moment est venu de s’expliquer. Le mis en cause est là, debout, à la barre. Derrière lui, sur sa droite, sa nièce. Elle ne peut le lâcher du regard. Le souffle court, il peine à s’exprimer. Nerveux, il chausse et déchausse son talon, dans ses baskets esquintées.
En ce mardi 8 mars 2022, journée internationale des droits des femmes, Henri* comparaît pour des faits d’agression sexuelle sur une mineure de moins de 15 ans. « C’est grave, bredouille-t-il. J’ai fait une grosse bêtise. »
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Pris de « pulsions »
Retour en 2013. C’est la nuit, à Bréauté, petite commune de moins de 1 500 habitants, située à quelques kilomètres du Havre. Julie*, alors âgée de 10 ans (elle en a 19 aujourd’hui), dort avec son frère dans la chambre à coucher de son oncle, Henri, trois fois son âge (39 ans aujourd’hui). Lui, est sensé dormir dans une autre pièce, sur le canapé. Mais il est alors pris de « pulsions », explique-t-il au tribunal judiciaire du Havre.
Comme Julie l’a décrit lors d’une audition, son oncle aurait glissé sa main sous son pyjama et l’aurait caressée au niveau du sexe à plusieurs reprises, avant d’y insérer un doigt. Elle raconte qu’il gémissait lorsqu’il la touchait.
« Ca a dû sûrement la réveiller », admet-il. Effectivement, la jeune fille se met à pleurer. Mais son oncle ne s’arrête que lorsque sa compagne débarque dans la chambre. Celle-ci dort avec la jeune fille, qui ne lui révèle rien des faits graves dont elle vient d’être victime.
Des faits similaires sur la mère de Julie
Lorsque Julie en parle à ses parents, ils ne la croient pas. Même sa mère, qui a pourtant reconnu aux enquêteurs avoir été victime de faits similaires (désormais prescrits) à deux reprises de la part de ce même Henri, son beau-frère. Ce dernier l’a d’ailleurs avoué lors d’une audition réalisée en 2017.
« Quand ils ont vu que je n’arrivais pas à manger, ils ont compris qu’il y avait quelque chose », confie Julie. La compagne de Henri consent avoir eu « un doute » lorsqu’elle a noté un « changement de comportement » de la part de la fillette.
Malgré tout, la famille explose. Julie est placée en maison d’accueil. Là encore, personne ne souhaite intervenir. Ce n’est que le 13 mai 2016, trois ans plus tard, qu’elle dénonce les faits au centre médicosocial d’Yvetot. Une investigation est organisée le 30 mai 2016. L’inspectrice aura été la première oreille attentive de Julie.
« Un manque d’affection avec ma femme »
Il faudra attendre le 5 janvier 2021, près de cinq ans après cette date, pour que l’oncle reconnaisse être l’auteur des faits tels qu’ils ont été dénoncés. Le natif de Lillebonne les contestait jusque alors. L’explication qu’il donne au tribunal, c’est « un manque d’affection avec ma femme ».
Henri, décrit par son avocat comme un homme « relativement démuni sur le plan éducatif et intellectuel », considère que sa nièce se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment et assure ne pas ressentir d’attirance pour elle. Malgré tout, il ne lui présentera aucune excuse lors de l’audience.
Sans enfant et coupé de sa famille, cet ouvrier dans le bâtiment ne voit que peu d’amis et passe le plus clair de son temps tout seul avec son chien. Il annonce au tribunal qu’il a prévu d’aller voir un médecin. Cela signifie qu’il n’a entrepris aucune démarche jusqu’à présent. « Je n’ai pas eu le temps », justifie-t-il.
Deux ans de sursis probatoire
Le tribunal l’a déclaré coupable et condamné à deux ans d’emprisonnement, intégralement assortis d’un sursis probatoire, ainsi qu’à 2 500 euros de dommages et intérêts. Henri doit aussi répondre à des obligations de soins psychologiques, de travail et est interdit d’entrer en contact avec sa nièce. Il est par ailleurs désormais inscrit au FIJAIS (fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes).**
Julie, elle, lui en veut beaucoup : « Je n’avais pas à subir ça. » Un suivi psychologique est préconisé par le spécialiste qui l’a analysée, elle fait l’objet d’un soutien psychothérapeutique régulier, et des signes de stress post-traumatique ont été détectés. Elle craint toujours de se trouver en présence d’un homme.
*Les prénoms ont été modifiés.
** Le mis en cause peut faire appel de sa condamnation sous 10 jours.
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