"Pop Air" est la nouvelle exposition immersive de la Villette, deux ans après la réussite de "Au-delà des limites” du collectif japonais Teamlab, qui mettait à l’honneur l’art numérique et interactif. Cette fois-ci pas de faunes et de fleurs virtuelles mais un ensemble de structures gonflables et lumineuses de plusieurs mètres de haut. Dans les 6000 m2 de la Grande Halle de la Villette, quinze artistes cohabitent pour les six prochains mois dans une ambiance electro chill.
Ces créations sont issues de la collection du Balloon Museum de Rome, premier musée italien consacré exclusivement à l’art gonflable, fondé il y a deux ans.
Déambulation au pays des Barbapapas
Est-ce des champignons ? Des fleurs ? Des chapeaux ? Les œuvres aux couleurs chatoyantes du studio australien ENESS (certaines font plus de 6m de haut !) accueillent des visiteurs de tout âge. Avec leurs yeux lumineux, ces drôles de personnages semblent indiquer la direction de la première salle : Hypercosmo, une immense piscine à balles. Créé par le collectif italien Quiet Ensemble, cette première réalisation - peut-être la plus aboutie de l’exposition - en met plein la vue : le bassin, rempli de milliers de boules en plastique transparent, reflète les rayons lumineux des projecteurs fixés au plafond, cachés derrière de grosses bulles blanches.
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Du bleu, du rouge, du jaune… Les stroboscopes changent de couleur au rythme de la musique. Ses ondulations donnent l’impression de nager au milieu des nuages. "Je replonge en enfance", s’exclame une visiteuse en faisant l’ange dans la piscine. Au départ timide, le public n'hésite pas longtemps avant de faire le grand saut. "On s’est rendu compte que les adultes adorent cette œuvre ! Peut-être même plus que les enfants", nous confie l’une des guides, amusée. "Une fois à Rome, un jeune homme a fait tomber sa bague de fiançailles au fond du bassin... On a dû vider la piscine !”. Entre deux plongeons, faites donc attentions à vos clés et à tous biens précieux…
Au total, douze oeuvres d’artistes australiens, italien ou encore écossais sont à découvrir. Elles sont toutes dans des styles très différents : il y a l'installation du collectif italien Motorefisico avec ses boules multicolores suspendues dans une salle recouvertes de miroirs mais aussi les deux coussins gonflables de six mètres de large de l’artiste brésilien Geraldo Zamproni. Petit coup de cœur pour l'invention de l’artiste germano-polonaise Karina Smigla-Bobinski. Sa sphère gonflée à l'hélium et recouverte de fusains flotte dans une pièce entièrement blanche. En la poussant, la tirant ou la lançant, elle dessine sur les murs et crée des formes imprévisibles.
Immersif et écologique
Parmi toutes ces œuvres, il y a aussi celle du français Cyril Lancelin. Knot rouge ressemble à un grand intestin grêle tout emmêlé. “En vérité, c’est une ligne continue pensée selon le modèle du nœud de trèfle, nœud mathématique comparable au signe de l’infini", explique-t-il. "C’est un moyen d’avoir du volume avec le moins de matière possible”. Architecte de formation, l’artiste a laissé tomber son compas et ses crayons pour concevoir des œuvres en trois dimensions qu’il publiait au départ sur ses réseaux sociaux. "Un jour, quelqu’un m’a contacté sur Instagram pour commander une de mes œuvres. Il la voulait en Chine, dans deux mois. J’ai cherché le matériau qui permettrait de faire une telle prouesse de rapidité et c’est comme ça que j’ai commencé l’art gonflable", continue-t-il.
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Faites de tissus ou de plastique, ses œuvres sont rapides à concevoir et faciles à transporter. Ils les créent ou les modifient en tenant compte avant tout du lieu et du budget. "Dans l’architecture, il y a tellement de contraintes : les maisons doivent avoir une porte, des fenêtres, elles sont limitées par le terrain. L’art, au contraire, n'a pas de limites ! Après avoir vu Knot Rouge, j’espère que les enfants ne dessineront plus de maison carrée, avec un toit en pente, mais une maison en gribouilli", s'esclaffe-t-il.
Son œuvre gonflable est en polyester. Si le tissu n’est pas en fibres naturelles, il est en revanche recyclable. "Tout se transforme ! Une de mes œuvres au Chili, une fois désinstallée, a servi à faire des sacs, par exemple !", nous raconte l’artiste. Le respect de l’environnement est mis au premier plan de cette nouvelle exposition. Tous les ballons utilisés sont fabriqués dans un latex naturellement biodégradable et aussi solide que n’importe quel autre bout de caoutchouc.
"Instagrammable"
Au milieu de la piscine à balles ou devant l’oeuvre de Knot Rouge, ça ne rate pas : les visiteurs sortent leur téléphone portable, prennent en photo les sculptures lumineuses et colorées pour les publier ensuite sur leurs réseaux sociaux. Mais cette habitude ne pose pas de problèmes aux commissaires de l'exposition. "Ca fait partie du jeu ! On s'y adapte", avoue Francesco, chef du projet "Pop Air". Entre deux œuvres d’artistes, quinze studios attendent les visiteurs les plus photogéniques : ailes d’ange en ballon multicolore ou canapé gonflable vert pomme…"Ce côté instagrammable de l’exposition ne me dérange pas", ajoute l’artiste français Cyril Lancelin. "Les photos sur les réseaux permettent de savoir ce que les visiteurs ont aimé, ce qui les a intéressés. On découvre les créations autrement qu’avec les photos officielles". En souvenir, on peut repartir avec un bouquet de fleurs gonflables, avant de passer au "Flower bar" prendre une petite collation.
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Exposition "Pop Air", à la Grande Halle de La Villette, du 14 avril ou 21 août 2022.