L’endroit est devenu le quartier général de dizaines de bénévoles qui se donnent corps et âme pour amasser, trier et empaqueter des produits de première nécessité destinés à l’Ukraine.
Même si l’envoi de biens matériels de l’autre côté de l’océan, en zone de guerre, est une opération complexe et exigeante, ils sont déterminés à continuer tant que la guerre ne sera pas terminée.
Camilla, huit ans, ne se fait pas prier pour compter toutes les boîtes qui s’empilent un peu partout dans le presbytère, mais aussi dans l’église adjacente.Soixante-dix!
, dit-elle, le regard fier.
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Pendant qu’elle fait danser sa queue de cheval blond clair dans toutes les pièces, sa mère, Hanna Tatsenko, multiplie les appels téléphoniques. Assise sur un canapé, ordinateur sur les genoux et téléphone à la main, elle explique que l’objectif, c’est de trouver un avion pour envoyer, à partir de Montréal, une centaine de palettes de boîtes remplies de produits d’hygiène personnelle, de médicaments, de pansements et de nourriture non périssable.
Depuis quelques jours, on magasine, on parle avec différentes compagnies aériennes, savoir quelle peut nous faire un meilleur prix pour ce qu’on veut envoyer. Les gens appellent pour nous donner de l’argent pour payer pour un avion, mais on veut utiliser cet argent intelligemment
, explique la jeune maman ukrainienne.
Les bénévoles Hanna Tatsenko et Marta Zybko tentent de trouver un avion par lequel acheminer, en Ukraine, des dons matériels recueillis à Montréal.
Photo : Radio-Canada / Marie-Christine Bouillon
Marta Zybko est Polonaise. Avec Hanna, elle s’occupe de la logistique des opérations. Comme elle a travaillé en finance dans le passé, elle met à profit ses compétences et ses relations professionnelles pour aider la population ukrainienne et sa diaspora canadienne.
Je suis venue ici un soir et j’ai demandé : "de quoi avez-vous besoin?" [...] Ils ont dit : "on a besoin d’un avion". J’ai dit : "OK", et je suis partie
, raconte-t-elle.Je suis revenue une semaine plus tard, mais là j’ai mobilisé ce que j'ai pu pour que ça arrive et ça progresse bien.
Marta, Hanna et leurs collègues bénévoles comptent sur leur réseau en Europe et dans certaines zones, en Ukraine, pour recevoir les dons et les distribuer. Jusqu’à maintenant, l’organisation a réussi à envoyer trois convois de produits par avion : deux à partir de Toronto et un d’Halifax. Et ils sont arrivés à bon port, selon Marta.
Les bénévoles de l’église ukrainienne Saint-Michel-Archange s’occupent aussi de recevoir des dons. Ce matin, ce sont les sœurs Nathalie et Andrea Bishyk qui apportent 25 boîtes.
C’est pour Clearpoint Elementary, à Pointe-Claire. [Les élèves] ont collecté tout ça pour l'Ukraine. Et on a d’autres boîtes qu’on va amener probablement demain ou vendredi
, lance Nathalie Bishyk.
Marta Zybko discute avec les sœurs Nathalie et Andrea Bishyk qui viennent de déposer 25 boîtes de denrées et de produits d'hygiène amassés par des élèves de l'école primaire Clearpoint, à Pointe-Claire, dans l'ouest de Montréal.
Photo : Radio-Canada / Marie-Christine Bouillon
Pendant que la dizaine de bénévoles présents transporte les boîtes de la voiture à la salle de tri dans le presbytère, Andrea Bishyk confie être touchée par la crise que subissent les Ukrainiens.
Notre papa est ukrainien et ça nous affecte. Mes grands-parents sont venus de l’Ukraine quand ils avaient 17 ans. On [connaît] beaucoup de personnes dans la communauté et ça nous brise le cœur
, dit-elle.
La bonne façon d’aider?
Envoyer ainsi des dons matériels outre-mer, en temps de guerre, ce n’est pas la bonne façon d’aider, selon François Audet, directeur de l’Institut d’études internationales de Montréal et de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaires.
Toutes ces chaînes d’approvisionnement demandent aujourd’hui plus que jamais un contrôle extrêmement minutieux de ce qu’on envoie. Et on ne veut pas que ce soit un effort inutile, on ne veut pas, au bout de tout ça, lorsqu’on ouvre les conteneurs envoyés par des avions et qui auront pris une ressource importante, que ça ait pourri carrément
, avertit-il.Or, ça arrive très, très fréquemment
.
Selon lui, il faut se rappeler les erreurs du passé pour ne pas les commettre à nouveau.
« On l’a vu en Haïti notamment, que les conteneurs restent carrément dans le port, à Port-au-Prince ou même à Miami, pendant des années. Et on ne sait pas quoi faire avec ça! Même si le tout était parti d’une bonne intention. »
— Une citation deFrançois Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitairesIl estime qu’il est mieux d’envoyer des dons en argent à des organisations non gouvernementales (ONG) réputées qui ont développé une expertise dans le domaine et des réseaux sur le terrain, et ajoute qu’il vaut mieux ne pas confondre notre propre besoin d’aider avec les besoins réels des communautés concernées.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) fait partie desOrganisation non gouvernementaleONGle plus souvent sollicitées lors de crises humanitaires. Il rassemble 192 Croix-Rouge ou Croissant-Rouge dans autant de pays. Selon la porte-parole de la branche canadienne, Carole Du Sault, ce mouvement mondial permet de conjuguer différentes expertises et d’être en mesure d’intervenir rapidement. Elle croit toutefois que l’aide peut s’organiser de plusieurs façons.
Évidemment qu’il y a de la complexité qui vient avec toute la question logistique. Mais bon, nous, on a notre logistique, nos façons de faire, d’autres trouveront des solutions, des façons de faire. En vue aérienne de tout ce qui se fait en ce moment, il y a une belle solidarité qui se déploie. Je présume qu’elle va se faire ressentir de diverses façons en Ukraine ou ailleurs
, fait-elle valoir.
Carole Du Sault est porte-parole de la Croix-Rouge canadienne.
Photo : Radio-Canada / Marie-Christine Bouillon
Marta Zybko, Hanna Tatsenko et tous leurs collègues bénévoles de l’église catholique ukrainienne Saint-Michel-Archange à Montréal se sont engagés à aider les Ukrainiens coincés sous les bombes. Ils feront tout pour que les dons amassés arrivent à destination.
Mais ultimement, leur souhait le plus cher, ce n’est pas de trouver un avion qui leur permettra d’envoyer plusieurs convois de matériel à partir de Montréal, mais qu’enfin ce cauchemar finisse.
Pouvez-vous arrêter la guerre?
, demande Hanna, les yeux dans l’eau.Ah oui
, souffle Marta.
Mais elles n’ont pas le temps de pleurer, il faut se remettre au travail.