Nous voici déjà à Daytona, joyaux de la couronne de ce championnat de SX US. Là où il commence vraiment, selon l’adage de ce bon vieux Ricky Carmichael, qui en connaît quand un rayon niveau SX. Et qui est également designer de la piste tous les ans, en sa qualité de légende, de Floridien ainsi que de recordman de victoire de l’épreuve. Ancien recordman, d’ailleurs, depuis samedi. On va y revenir. Mais parlons-en de cette piste. Elle a beau avoir perdu en surface au fil des années, à cause de l’agrandissement du speedway où elle est placée, des différents système d’irrigation souterrains et autres contraintes structurelles, elle reste un monument historique à préserver. Ne serait-ce que pour cet arc-en-ciel de couleur qui passe du sable noir au sable blanc, puis à de la terre couleur caramel… C’est beau, c’est (très) technique tout en étant rapide et, cerise sur le gâteau, ça change ! Cette année, elle fonctionnait plutôt bien au niveau du flow, avec notamment une split-lane équitable qui a permis pas mal de dépassements et des bons whoops. Dommage que les deux virages de la grosse partie sable avaient leurs extérieurs un peu trop loin, ce qui les rendait moins rapides que l’intérieur. Ce qui a sûrement coûté la victoire en heat à Dylan Ferrandis, au passage.
Par contre, la course est difficile à voir si vous ne disposez pas du pass à l’année Peacock, puisqu’elle ne fait pas partie du même package télé que le reste du championnat, et ce depuis des lustres. À force de fouiller les bas-fonds des internets, j’ai fini par trouver les heats, LCQ et la finale 250 en qualité « acceptable », mais j’ai galéré pour la finale 450, visionnée à travers des pixels gros comme des Lego. C’est là qu’on se dit que même si JCV et Maxime Martin ne sont pas Leigh Diffey et Ricky Carmichael, ils ont l’avantage d’être comme Ricoré : des amis du petit déjeuner le dimanche matin sur Automoto La Chaîne. JCV, au passage, était comme moi dans le froid mordant de Loon-Plage pour l’Elite. On aurait sûrement été plus au chaud à Daytona…
Sixième victoire pour Eli Tomac à Daytona, ce qui fait de lui le recordman de l’épreuve, donc, devant Ricky Carmichael… Là, quand tu commences à battre des records détenus par Ricky, c’est que tu fais les choses bien. 41 victoires en SX, soit le même nombre que Ryan Villopoto, à trois unités seulement de Chad Reed et sept de RC4, ça commence à causer sévère. En clair, Eli Tomac fonce vers un statut de légende du sport en même temps que vers son deuxième titre (seulement…) en SX 450. Rien à dire, ET3 est un monstre. Mais un gentil, comme Casimir. Cette finale est assez typique de la façon dont il a bâti sa carrière : en attaquant, du début à la fin de la manche, avant de frapper en fin de course. Le tout propre, sans haine ni violence. Avec une Yamaha qui fumait pourtant comme un étudiant en première année de psycho à un concert de Tryo… Eli ne se laisse pas embarquer dans des polémiques, ne fait pas de grande déclaration, ne cherche pas le contact inutilement : lui est là pour une seule chose, gagner. Il emplâtre, il rentre chez lui. Et pareil la semaine suivante. On en connaît deux qui feraient bien de prendre des notes. Énorme respect, donc, pour cette performance tout en volonté et en maîtrise, qui lui permet de faire un grand pas en avant au championnat, avec maintenant 18 points d’avance. Ce n’est pas un boulevard, mais ça commence à faire une jolie petite avenue, quand même, avec des beaux arbres autour… Au fait, si vous voulez une preuve de la classe du gars, regardez comment et à qui il offre ses lunettes après la victoire et le traditionnel burn-out. On parie que ce jeune est maintenant un fan pour la vie ? Ou alors la société américaine est pire que ce que je crois et la paire d’Oakley est déjà sur ebay pour 2000 $. J’en sais rien, en fait, mais j’ai aimé le geste. Mon côté sentimental.
“Shit happens”, comme l’a dit Cooper Webb à la télé. Pour une fois que ce n’est pas dans son sens.
Ça fait déjà quelques courses que je vous le dis, que Cooper Webb est de retour ! Round après round, il relève la tête comme Rocky contre Creed dans l’épisode 2. Clairement, le pilote KTM semble bel et bien avoir retrouvé un rendement de champion potentiel. Est-ce dû aux réglages de la machine, de son changement d’entraîneur, du retour de la confiance ou juste un peu de tout ça ? Toujours est-il qu’il est passé à deux doigts (deux tours, en fait) de remporter Daytona. Car si Eli Tomac lui est revenu dessus patiemment, il lui restait à trouver l’ouverture, ce qui n’est pas facile sur Coop’. Hélas pour le pilote KTM, son pote Shane McElrath s’est malheureusement trompé en voulant le laisser passer, et lui a peut-être coûté la prestigieuse victoire. Sur une course où il n’est jamais descendu du podium depuis 2018. Sacrée stat ! Même avec la Yamaha, il avait en effet fait podium en 2018. Troisième du championnat, Coop’ est à 33 points du leader Eli Tomac, et 15 seulement de Jason Anderson. ET3 a bien fait de l’empêcher de gagner celle-ci, selon moi… Parce que le Webb tisse sa toile.
Pas grand chose à dire de la performance de Chase Sexton sur ce Daytona. Présent dès le départ, il n’a pas réussi à accrocher le wagon de devant, puis a assuré son podium en parvenant à se débarrasser de Justin Barcia. Très bien mais pas top, quoi. Le jeune signe tout de même son premier podium à Daytona dans la catégorie, ce qui n’est pas si mal.
Ah, voilà une quatrième place qui fait plus que plaisir, elle ferait presque office de victoire ! Dylan Ferrandis a en effet relevé la tête à Daytona, après quelques courses à oublier. Le Français a même pris un excellent départ en heat, deuxième derrière Cooper Webb. Et s’il a insisté trop longtemps dans cet extérieur moisi pour passer, il a néanmoins montré de la vitesse et de l’envie. Pareil en finale, où, malgré un départ moins bon (mais moins catastrophique que ces dernières semaines), il a attaqué tout du long pour revenir de loin et chiper cette quatrième place à Justin Barcia. Un gros pas dans le bon sens, donc.
Justin Barcia se sort correctement de cette course de Daytona avec un top 5. Rien de magique, mais de la constance, ce qui n’est pas toujours le cas. Bien. Ce qu’il a fait de mieux ce week-end, c’est de se déguiser en Ricky Bobby avec Will Hahn en Cal Naughton Jr. LE meilleur film de tous les temps, point barre. Shake n bake !
Même constat pour Marvin Musquin, qui n’a pas éclaboussé la course par sa vitesse mais a tout de même passé Ken Roczen pour s’offrir cette très correcte sixième place, en attendant mieux…
Ken Roczen avait réalisé de bons chronos aux essais et a même montré sa roue en heat derrière Webb et Ferrandis. En finale, il n’était pas si mal un moment, avant de couler petit à petit jusqu’à échouer à la neuvième place. Convertie en septième après le déclassement d’une position de Stewart et Anderson. La routine, quoi. Les rumeurs de séparation avec Honda grossissent de jour en jour. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’est plus le pilote #1 du team, et que ça ne doit pas le faire rire.
Malcolm Stewart et Jason Anderson… On y arrive, à ces deux-là ! Après Arlington et l’accrochage entre les deux, on se doutait bien qu’il y aurait vengeance. Elle n’a pas tardé, d’autant que Jason n’a rien fait pour calmer le jeu. L’histoire a commencé dès le premier enchaînement, avec Malcolm Stewart qui a réussi à faire triple/triple entre Tomac et Anderson pour les doubler tous les deux. À la fois technique et couillu, mais surtout de quoi énerver notre JA21, qui force un peu le passage sur Tomac dès le deuxième virage et l’envoie rebondir sur Malcolm. De quoi exciter MS27 comme un taureau devant une muleta. Du coup, il décide de prendre le périf hors du terrain comme un T-Max de dealer pour rejoindre la piste sans perdre de temps, et couper en deux Anderson propre et net le virage suivant. Un plan brillant. Cette réaction idiote lui a peut-être coûté un podium, vu le potentiel qu’il affichait sur cette course. En bagarre ensuite une bonne partie de la manche, les deux se sont encore cherchés comme des collégiens amoureux de la même fille, poussant Anderson à lui aussi effectuer une petite incursion hors piste. Du coup, les deux avaient déjà lâchés beaucoup de points à cause de leurs enfantillages, et en ont perdu un peu plus en se faisant tous les deux déclasser à juste titre d’une position. Et voilà comment on laisse échapper un championnat pour Anderson, et un podium pour Malcolm… Comme quoi, un cerveau ça peut servir, même pour un pilote de MX. Quand avez-vous Tomac ou Webb faire des trucs aussi débiles et pénalisants ? Voilà, c’est ça : jamais. Bref, il paraîtrait qu’ils ont tous les deux décidé d’enterrer la hache de guerre, à défaut de fumer le calumet de la paix, mais c’est une semaine trop tard. Fuck.
Une saga bien meilleure que celles de TF1.
Derrière, un nouveau top 10 correct de Dean Wilson, devant Justin Bogle qui signe sa meilleure performance de la saison. Mention bien pour Garrett Marchbanks, qui se qualifie pour sa première fois en 450 et a montré une belle vitesse en heat, en LCQ et au début de la finale. Félicitations également à Brandon Scharer, retraité du haut niveau et coach à ClubMX, qui a réussi l’exploit de se qualifier directement en heat. Grosse soirée pour le team ClubMX, avec ses trois pilotes en finale 450, et ses deux pilotes 250 très bons aussi !
Catégorie 250 Daytona
Après les erreurs de la semaine dernière, on attendait de voir comment Jett Lawrence allait rebondir pour son premier Daytona. Comme un ballon de basket, on a envie de dire. Meilleur temps chrono, vainqueur de sa heat, puis tout de suite en tête après avoir doublé le auteur du holeshot Stilez Robertson, Jett s’est ensuite promené jusqu’à l’arrivée avec une facilité déconcertante. Impressionnant. C’est lui le boss, c’est tout.
Stilez Robertson n’avait jusqu’ici qu’un podium en SX, une deuxième place à Daytona l’an dernier, grâce à un bon départ et des tours réguliers. C’était donc la journée de la marmotte à Punxsutawney, avec exactement le même scénario : holeshot, quelques bons tours et une deuxième place à Daytona ! Le jeune a déjà supplié son team de la laisser sur la côte est l’an prochain. Un superstitieux, donc.
Arrivé à égalité de points avec Jett Lawrence à Daytona, une course où il est tenant du titre, Cameron McAdoo a tout donné pour ne perdre « que » cinq points. Car ce podium, le pilote Kawasaki Pro Circuit a été le chercher avec les dents (et aussi les cojones, un peu). Pas à dire, il en veut, le jeune. Et attaque le terrain avec un abandon de soi qui mérite le respect autant qu’il frise l’inconscience. Il suffit de le regarder rentrer à Mach2 en travers dans les whoops pour s’en persuader… Lui et RJ Hampshire, dans un style très similaire, nous ont d’ailleurs offert la bagarre de la soirée. C’était comme regarder un artiste de cirque jongler avec deux grenades dégoupillées, on se demandait à quel moment ça allait exploser ! Merci pour le spectacle, en tout cas.
Pierce Brown commence petit à petit à montrer des belles choses dans ce championnat. Il est certes moins rapide que Jett et Cam, mais il aurait très bien pu être à la place de Robertson avec le même départ. Du mieux.
Cinquième place, premier top 5 de sa carrière, pour le Brésilien Enzo Lopes. Un superbe résultat obtenu en plus avec un embrayage défaillant ! Longtemps troisième, Lopes a été contraint de céder ce podium, mais ce résultat met en lumière son excellent début de saison, qui le voit pointer quatrième au provisoire, à deux points du troisième. Le travail paye, bravo !
Suivent dans le classement les deux compères Jordon Smith et RJ Hampshire, décidément inséparables. Deux bonnes courses de suite pour Jordon Smith, ça faisait longtemps ! Quelques crashs, de la vitesse, de l’engagement et au final une place moyenne ? Oui, c’est bien mon RJ qu’on reconnaît là !
Enfin, encore une bonne course pour ce bon vieux champion du Canada 2019 de SX qu’est Phil Nicoletti. Phil déteste le SX, il le clame haut et fort, mais il faut bien gagner sa vie… Force est de reconnaître que notre homme d’expérience a bien fait ses devoirs cet hiver à ClubMX avec JB10 et tout le team et réalise d’excellentes performances, tout en servant de cobaye testeur de suspensions pour Ricky Gilmore de chez KYB, l’homme de confiance de Tomac. En proie lui aussi à des problèmes d’embrayage, Phil était un poil déçu après la course de s’être fait battre par son colocataire Enzo Lopes, également le frère de sa copine, mais n’a jamais semblé aussi à l’aise en SX que cette année.
La caravane du SX US quitte la chaleur de Daytona et ses plages de sable fin pour le froid de Detroit, dans le Michigan, ses maisons abandonnées et sa 8 Mile Road. Avec l’arrivée d’un petit nouveau dans le team Star Racing Yamaha en 250, j’ai nommé Kyle Chisholm. À la semaine prochaine !
Par Richard Angot.