Depuis le début de la campagne de vaccination contre le Covid-19, un certain nombre de personnes menstruées ont rapporté des troubles de leur cycle après l’injection. Certaines se sont en effet émues de retards de règles, d’absences ponctuelles de règles, de règles plus abondantes ou de saignements anormaux après avoir reçu au moins une des trois doses.
Le sujet est sur la table depuis déjà plusieurs mois et nous l’avons déjà abordé dans ces colonnes, en regrettant qu’il ne soit pas suffisamment pris au sérieux par le corps médical.
En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en charge de la pharmacovigilance n’établit pas, dans son dernier suivi des cas d’effets indésirables des vaccins COVID-19 paru le 7 janvier 2022 de relation de causalité entre les vaccins Comirnaty (Pfizer/BioNtech) et Spikevax (Moderna) et des perturbations des règles.
Toutefois, l’Agence n’en nie pas la possibilité et garde l’œil ouvert : « Les troubles menstruels déclarés après la vaccination par un vaccin à ARNm font l’objet d’une surveillance attentive. (…) Ces effets sont survenus aussi bien après la première injection, qu’après la deuxième injection. Il s’agit majoritairement d’évènements de courte durée et spontanément résolutifs. À ce jour, les données disponibles ne permettent pas de déterminer le lien direct entre le vaccin et la survenue de ces troubles du cycle menstruel. Ces évènements restent sous surveillance. »
Vaccin et cycle menstruel : une première étude rassurante
Est-ce suffisant pour rasséréner les personnes menstruées et instaurer une considération de la part des professionnels de santé sur la question ? Sans doute pas. Le fait est que la pharmacovigilance se base sur les déclarations de personnes menstruées et vaccinées ayant éprouvé des troubles du cycle. Ce déclaratif peut être sujet à différents biais.
Pour établir un véritable lien de causalité, il faut du solide à se mettre sous la dent et cela passe par des études a minima observationnelles. Une première étude publiée le 5 janvier 2022 dans la revue Obstetrics & Gynecology permet d’y voir plus clair et se montre rassurante.
Les chercheurs ont suivi sur 5 cycles les données de quelques 3 959 personnes américaines âgées de 18 à 45 ans utilisant une application de suivi du cycle menstruel, n’utilisant pas de moyen de contraception et ayant généralement un cycle normal et régulier. 2 403 d’entre elles ont reçu une injection de vaccin contre le Covid (Pfizer, 55%, Moderna 35% et Johnson & Johnson/Janssen 7%) au cours du 3e cycle et 1 556 d’entre elles n’ont pas été vaccinées.
Ils ont pu mettre en évidence le fait que les deux cycles post-vaccination étaient en moyenne un jour plus long que les cycles précédents alors qu’ils n’ont pas observé de modification de la durée du cycle chez les personnes non vaccinées. En revanche, la durée des menstruations reste la même dans les cycles pré et post injection.
Un stress lié au vaccin et non à la pandémie
Loin des suppositions qui ont précédé la publication de leur étude, les chercheurs précisent bien que leurs résultats ne sauraient être expliqués par un stress pandémique généralisé, puisque le groupe témoin n’a constaté aucun changement.
Ils signalent d’ailleurs que leurs résultats sont cohérents avec une analyse récente de 18 076 utilisateurs et utilisatrices de l’application Natural Cycles (qui se présente comme une application de contraception mais ne l’est pas) avant et pendant la pandémie, qui n’a également démontré aucune interruption du cycle au niveau de la population due au stress pandémique.
En revanche, ils fournissent une explication possible du phénomène : les vaccins à ARNm provoquent une réponse immunitaire qui consistent un facteur de stress pour l’organisme, ce qui pourrait affecter temporairement l’axe hypothalamo–hypophyso-ovarien créant alors une légère perturbation du cycle.
Le fait que l’allongement du cycle semble plus fréquent lorsque le vaccin a été administré durant la phase folliculaire — c’est à dire durant la phase qui va déterminer la durée du cycle et qui peut être affectée par un stress — semble attester cette hypothèse.
Des résultats en faveur de la vaccination
Les chercheurs signalent que cette perturbation éventuellement provoquée par le vaccin est sans commune mesure avec celle potentiellement suscitée par une infection au Covid-19.
Celle-ci peut, selon eux, affecter durablement l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien et donc avoir des conséquences à long terme. Ainsi, leurs résultats sont rassurants et plaident largement en faveur de la vaccination des personnes menstruées. Toutefois, les perturbations du cycle menstruel en lien avec les vaccins à ARN-m contre le Covid-19 ne sont pas totalement élucidées.
Des questions à élucider
Les chercheurs n’expliquent pas les signalements relatifs à des symptômes menstruels exacerbés, à des saignements imprévus ou encore à des modifications qualitatives et quantitatives du flux. Ce manque de données, ainsi que toutes celles relatives aux perturbations du cycle en cette période de pandémie, invite à repenser sérieusement l’impact du covid sur les menstruations et leurs conséquences, faute de quoi les femmes pourraient à nouveau subir des inégalités de genre.
Comme l’explique un article paru dans The International Journal of Epidemiology en décembre 2021 : « Le manque de recherches de haute qualité portant sur le Covid-19 et le cycle menstruel reflète l’objectif plus large de la recherche médicale, qui ne donne pas la priorité à la santé des femmes, en particulier en dehors du contexte de la grossesse. La découverte selon laquelle les cycles menstruels semblent avoir été affectés par la pandémie de Covid-19 pourrait avoir des implications importantes pour la société, les inégalités fondées sur le genre et la reprise économique post-Covid. »
Et de conclure : « Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour aider à comprendre et à atténuer les impacts de la pandémie sur la santé menstruelle, ce qui pourrait aider à minimiser les inégalités sociales et de santé liées au genre. La pandémie a également mis en évidence la nécessité de davantage de recherches pour mieux comprendre comment les facteurs environnementaux externes peuvent influencer le cycle menstruel et comment le cycle menstruel peut interagir avec d’autres aspects de la santé de manière bidirectionnelle. »
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