Jean-Luc Moreno, jeune repreneur d’une entreprise de plâtrerie, entame son dernier challenge professionnel : devenir patron d’une PME à l’âge de 57 ans, grâce à un accompagnement sur mesure.
Agé de 57 ans, Jean-Luc Moreno, se retrouve à la tête d’une belle affaire de plâtrerie, Delta Construction Partners, implantée à Meyzieu (69). L’entreprise bénéficie d’un savoir-faire et d’une notoriété bien ancrée dans la région. Elle est en effet devenue le partenaire fidèle d’un grand nombre de promoteurs et entreprises générales qui font appel à ses services tant en tertiaire, en logement qu’en rénovation ou réhabilitation.
Pourtant, rien ne destinait au départ Jean-Luc Moreno à s’intéresser à une entreprise du Bâtiment. Dans le domaine de la finance, au sein d’une grande banque puis de deux grands groupes, pendant 32 ans, notre repreneur a bénéficié en 2018 d’un plan de départ volontaire à l’issue d’un 11e plan de restructuration qu’il a accompagné.
« Je ne me sentais plus du tout dans ce schéma-là, et je souhaitais démarrer un nouveau projet professionnel » confie-t-il. Une question se pose toutefois à lui : reste-t-il dans le confort en exerçant son métier dans le cadre de missions ? Ou fait-il un véritable choix entrepreneurial ?
Jean-Luc Moreno choisit cette 2e option, plus risquée mais qui constituera son dernier challenge professionnel : devenir patron de PME.
Une formation pour devenir patron avec le CRA
En 2019, son choix l’amène à suivre une formation au CRA (Cédants et repreneurs d’affaires), un réseau national fondé en 1985 par d’anciens dirigeants et patrons d’entreprises. Avantage : ces derniers font bénéficier de leurs expériences aux jeunes repreneurs, avec l’appui d’experts dans différents domaines (notaires, avocats, informaticiens, directeurs marketing, etc…). En outre, l’association s’appuie sur de gros réseaux de cédants/repreneurs.
Jean-Luc Moreno se forme donc pendant un mois, à raison de 180 heures, dans tous les domaines, un peu moins dans celui de la Finance qu’il connaît bien. Avantage de cette formation : la promo de jeunes repreneurs se suit et se soutient pendant toutes leurs opérations de reprise. Ils échangent, comparent, en bénéficiant de fait d’un benchmarking, et surtout se sentent moins seuls, notamment lors des opérations de reprises parfois compliquées.
« A l’issue de deux ans de suivi, 90 % des personnes ont repris des affaires », souligne J.L. Moreno qui bénéficie de son côté, du soutien d’un parrain. « J’étais intéressé par le BTP et il m’a dit d’aller rencontrer la Capeb qui a développé un service accompagnant les repreneurs : l’ICRE BTP.
La plâtrerie : un choix par intérêt personnel
Pourquoi cet intérêt pour le Bâtiment et le second oeuvre notamment ? Le patron de la PME s'explique : « J’y avais un intérêt personnel, car j’ai une résidence secondaire que j’ai rénovée et suis attiré par les travaux du bâtiment ».
Par ailleurs, le ticket d’entrée technique dans ce secteur me semblait moins compliqué que celui du secteur de l’industrie. Cela ne veut pas dire que je saurai tout faire mais, je maîtrise maintenant un certain nombre de choses dans les travaux du second oeuvre ».
Autre raison : notre entrepreneur sent que ce secteur est porteur et que l’activité est très dynamique dans la région lyonnaise. Il a ainsi rencontré la responsable du service de l’ICRE BTP à la Capeb Rhône, Odile Van Kote.
Une formation à l’ICRE pour maîtriser les notions de coût de revient
Objectif de Jean-Luc Moreno : développer ses compétences en « business /technique ». « Malgré mes connaissances en business plan, j’avais besoin de mieux maîtriser les notions de coût de revient grâce à des méthodes développées par des spécialistes » souligne-t-il.
Le service de l’ICRE BTP permet d’être orienté au sein de la Capeb qui compte en effet plusieurs directions avec des spécialistes dans différents domaines : RH, juridique, finance, technique, etc…
Auparavant, le repreneur a dû « sélectionner » l’entreprise du Bâtiment à reprendre puisque plusieurs opportunités se sont présentées à lui. Mais les opérations ne se concrétisent pas toujours, surtout lorsque le cédant hésite. Finalement, un cabinet d’intermédiation lui présente « une très belle entreprise, dans le domaine de la plâtrerie, façade et peinture, avec un beau portefeuille clientèle ».
Spécialisée dans le B to B, la structure qui réalise 3,5 à 4 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec 20 salariés, travaille pour le compte de grosses entreprises du BTP et des promoteurs dans le logement neuf, le tertiaire et la rénovation. Au moment du rachat, l’entreprise détient un carnet de commandes fourni, soit un an de travail.
Réalisation d'un faux plafond dans un immeuble de bureaux par l'entreprise de plâtrerie, Delta Construction Partners, implantée à Meyzieu (69)
Un rachat de l’entreprise avec deux associés déjà salariés
Si tout n’est pas « parfait » en raison d’une situation de trésorerie compliquée, le cédant et le repreneur vont néanmoins trouver un terrain d’accord. « Mon cédant était très ouvert, et j’ai pu visiter l’entreprise et notamment rencontrer le directeur technique et d’exploitation, qui est l’homme clé de l’entreprise depuis l’origine » explique Jean-Luc Moreno.
Cette rencontre avec « l’homme clé » (Kamel) a joué le rôle de déclic pour le repreneur : les deux hommes décident de s’associer dans l’opération avec la responsable administrative. J.L Moreno, repreneur majoritaire détient 80 % et les minoritaires, les 20 % restants. « ça a été un peu plus compliqué que prévu au niveau financement du projet, mais cet associé était important pour m’aider dans la réorganisation à terme »
La période de la crise sanitaire a bien sûr compliqué les choses, l’entreprise enregistre en 2020 un exercice avec un chiffre d’affaires en chute libre (- 40 %), du fait de sa relation privilégiée avec les grands constructeurs (en panne pendant le confinement). « Au final, le cédant nous a fait un crédit vendeur sur 3 ans », termine JL Moreno.
En un an, une réorganisation se met en place notamment sur les aspects Ressources humaines, suivi chantier, appels d’offres et enfin commercial. « Nous avons également revu tout l’environnement informatique en entamant une réflexion sur la stratégie et les priorités. L’entreprise investit dans le stockage Cloud, les licences informatiques et un logiciel de dématérialisation des factures pour faciliter les échanges avec le cabinet comptable.
Flambée des prix et problèmes de main d’oeuvre
L’entreprise doit faire face aujourd’hui à un contexte conjoncturel très tendu : les prix des matériaux flamblent et les tarifs négociés avec les gros clients (marchés privés) ne sont pas révisables puisqu’ils sont fermes.
« Nos gros clients n’indexent pas les marchés vis à vis de leurs sous-traitants, et ce sujet est très préoccupant puisqu’un tiers de notre chiffre d’affaires provient de l’achat de matériaux, soit 1,2 million d’euros. Ça peut donc devenir une grosse contrainte en termes d’équilibre économique » s’inquiète J.L. Moreno
Autre contrariété pour l’entrepreneur : la gestion de la main d’oeuvre, très problématique, le secteur ayant du mal à recruter et conserver une main d’oeuvre qualifiée ; « Il nous faut recruter 5 personnes pour en conserver 2 » témoigne le patron qui estime que l’entreprise manque de personnel autonome. « C’est compliqué car nos clients sont exigeants. On ne peut pas se permettre d’avoir un problème d’étanchéité à l’air quand on fait un doublage par exemple ».
Suite aux difficultés rencontrées avec la flambée des prix des matériaux, et l'absence de révision des tarifs négociés avec les gros clients (entreprises générales), Delta Construction Partners cherche aujourd'hui à se positionner sur de petits marchés en traitant en direct avec le client.
Une nouvelle stratégie avec les clients particuliers et gros rénovateurs privés
Ces difficultés font donc réfléchir le repreneur qui veut modifier le fonctionnement de l’entreprise. « On veut aller sur des niches plus lucratives, comme le segment des clients particuliers. Il s’agira pour nous de rénover complètement des appartements, voire des bâtiments communaux, ou un restaurant, en prenant plusieurs lots et en assumant le rôle éventuel d’entreprise générale.
Objectif : se positionner sur ces petits marchés en traitant en direct avec le client. Cela permettra de dégager un petit chiffre d’affaires (de 10 à 30 000 euros contre 200 000 à 1 million d’euros pour les gros marchés) mais avec des marges plus intéressantes, selon le repreneur. « Mais il faut sécuriser la mise en oeuvre au départ, pour aller sur ces marchés » souligne-t-il.
Pour ce faire, l’entreprise a réorganisé le bureau d’étude avec l’embauche d’une personne ainsi que deux conducteurs de travaux. Elle s’estime en ordre de marche pour répondre aux demandes de ses nouveaux clients, notamment grâce à sa réputation locale et sa bonne image.
Le repreneur demeure confiant pour l’avenir de l’entreprise : il a signé un pacte d’associés avec les minoritaires ("l 'homme clé " étant associé à sa sœur qui travaille dans l’entreprise) et leur cédera en priorité l’entreprise.
« Je partirai au bon moment. L’entreprise est sur les rails, et après, j’accompagnerai mes associés minoritaires pour qu’ils montent en puissance et qu’ils aient la capacité de se développer » Il faudra sans doute inventer des mécanismes comptables pour faciliter cette reprise car ce sont de jeunes actifs, mais je les aiderai »termine Jean-Luc Moreno.
Source : batirama.com/ Fabienne Leroy