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À quoi sert l'OTAN ?

Issue du pacte Atlantique signé en 1949, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est septuagénaire. Comme l’Organisation des Nations Unies (ONU), comme la construction européenne, sa création remonte à la réorganisation des relations internationales après la Seconde Guerre mondiale. Elle intéresse les deux processus, l’ONU parce qu’elle se fonde sur la légitime défense collective de ses membres prévue par la Charte dans son article 51, la construction européenne parce qu’au départ elle concerne avant tout la sécurité de l’Europe occidentale, soumise à la pression militaire et politique de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et du camp socialiste.

L’OTAN s’éloigne pourtant des idéaux de l’ONU et de la sécurité collective à dimension universelle, qui reposait sur une entente étroite entre les États-Unis et l’URSS dont la conférence de Yalta (1945) était la matrice. L’échec rapide de cette entreprise après la fin de la guerre, le rideau de fer entre Europe occidentale et orientale, la naissance des deux blocs opposés ont abouti à la création d’une alliance militaire défensive qui devait solidariser les États-Unis et les pays européens menacés par l’expansionnisme soviétique. L’OTAN a permis à la construction européenne de se développer sans être entravée par le souci de la sécurité militaire des pays fondateurs, parce que les États-Unis sont appelés à y pourvoir.

Ce sont en effet les pays européens qui sont les plus intéressés dans cette protection et qui la demandent. La participation initiale au pacte Atlantique et à l’OTAN ne recouvre cependant que partiellement celle de la construction européenne balbutiante. La République fédérale d'Allemagne (RFA) n’en fait pas partie au départ, alors que, outre les États-Unis et le Canada, on y trouve des pays qui sont à l’écart du traité européen initial, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA, 1951), comme le Danemark, l’Islande, la Norvège, le Portugal et le Royaume-Uni. Cette composition est alors expliquée par le premier secrétaire général de l’OTAN : le pacte a pour objet de maintenir les États-Unis en Europe, de tenir l’Union soviétique à distance et de laisser la RFA sous domination.

Avant le tournant décisif pour l’Organisation que constitue la disparition du mur de Berlin en 1989 puis du camp socialiste et de l’URSS en 1991, l’OTAN avait connu quelques extensions : la Grèce et la Turquie en 1952, la RFA en 1955 et l’Espagne en 1982 s’ajoutent aux douze membres fondateurs. Rien de comparable toutefois avec l’élargissement massif qui, en quelques années au tournant des XXe-XXIe siècles, double quasiment le nombre des membres, aujourd’hui trente, en attendant quelques adhésions futures, peut-être celles des pays balkaniques qui restent pour l’instant à l’écart – Serbie, Bosnie, Kosovo.

L’OTAN a ainsi connu au moins deux vies, la première dans le cadre de la politique des blocs jusqu’à la disparition de l’URSS, la seconde au cours des trois décennies qui l’ont suivie jusqu’à nos jours. Durant la première, la situation était claire et tranchée. Avant tout antisoviétique, l’OTAN était un bouclier en Europe contre les intentions supposées agressives de l’URSS, et son efficacité était globalement satisfaisante. Elle était de nature préventive, puisque l’Organisation n’a pas eu à intervenir militairement et que sa fonction a été avant tout dissuasive.

L’OTAN n’a pas défini son rôle dans le désordre international actuel.

La seconde vie, les trente ans qui ont suivi, sont beaucoup plus complexes et incertains. Le président Emmanuel Macron a déclaré, le 7 novembre 2019 dans The Economist, l’OTAN en état "de mort cérébrale", formule qui a été plutôt ignorée que contestée. L’Organisation et ses membres lui ont opposé silence et inertie, mais il est clair que l’OTAN n’a pas défini son rôle dans le désordre international actuel. Si elle a été un bouclier efficace durant quarante ans, n’est-elle pas devenue une passoire stratégique, inefficace face aux nouvelles menaces sécuritaires telles que le terrorisme international, les conflits sociétaux, les migrations massives, la cybersécurité notamment ? Sur ce dernier point, le Manuel de Tallinn, élaboré en 2013 par des experts mandatés par l’OTAN, n’apporte qu’une contribution limitée.

Les concepts stratégiques qui définissent les priorités et les objectifs de l’OTAN semblent toujours à la remorque des événements tandis que sa pratique, réactive, ne répond à aucun dessein organisé. Les élargissements massifs qu’elle a connus vers l’Europe centrale et orientale, vers les Balkans, l’incorporation en son sein de la plupart des anciens pays socialistes, y compris de républiques soviétiques sécessionnistes, n’ont-ils pas affaibli sa cohésion et obscurci ses buts sans accroître ses capacités ? Tels sont du moins les reproches que l’on est tenté de faire à l’Organisation.

Force est cependant de constater que sa survie provient de l’incapacité des Européens à organiser leur propre système de sécurité après la guerre froide. Le double échec de la "Maison commune" préconisée par Mikhaïl Gorbatchev et de la Confédération européenne proposée par François Mitterrand, la faiblesse de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE devenue OSCE en 1994), les déficiences des pays européens face à la dislocation de la Yougoslavie ont laissé le champ libre à l’OTAN. Elle est désormais confrontée à diverses questions, que l’on peut rassembler autour de trois registres : la distinction entre l’Alliance atlantique et l’OTAN ; les hésitations entre les concepts et les pratiques ; les relations entre l’OTAN et l’Union européenne.