Pour avoir acquis des systèmes de défense aérienne russe S-400 « Triumph » évidemment incompatibles avec ceux de l’Otan, la Turquie fut exclue par l’administration Trump du programme d’avion de combat F-35, dans le cadre duquel elle avait commandé une centaine d’exemplaires.
Depuis, le gouvernement turc cherche des solutions pour moderniser son aviation de combat, qui repose essentiellement sur des F-16 C/D d’ancienne génération ainsi que des F-4E Phantom II. Ces derniers mois, Ankara a ainsi évoqué l’éventuel achat de Su-57 « Felon » ou Su-35 « Flanker-E » auprès de la Russie… et dit envisager une possible coopération avec l’industrie aéronautique russe pour mener à bien son programme d’avion de combat de nouvelle génération TF-X.
Puis, dernièrement, la Turquie a fait part de son souhait d’acquérir 40 exemplaires de la dernière version du F-16, appelée « Viper », ainsi que 80 kits pour moderniser une partie des F-16 d’ancienne génération mis en oeuvre par ses forces aériennes.
Seulement, une telle commande devra obtenir l’aval du Congrès des États-Unis… Et celui-ci n’est pas forcément dans les meilleures dispositions à l’égard d’Ankara, notamment en raison des tensions en Méditerranée orientale et de son rôle en Syrie, en Libye ainsi que dans la dernière guerre du Haut-Karabakh, ayant opposé l’Azerbaïdjan et l’Arménie, en octobre 2020. En outre, l’achat des S-400 reste une pomme de discorde.
Cela étant, l’invasion de l’est de l’Ukraine par la Russie va peut être changer la donne pour Ankara, qui, pour rappel, est proche de Kiev [au point de lui fournir des drones Bayraktar TB-2] tout en étant dépendant de Moscou pour ses approvisionnements énergétiques et céréaliers. En outre, la Turquie a eu l’occasion de rappeler qu’elle est un membre « stratégique » pour l’Otan de par sa capacité à bloquer les détroits des Dardanelles et du Bosphore, limitant ainsi les mouvements des navires de guerre russes. Mais il n’est pas certain que cela soit de nature à favoriser l’achat de F-16 américains… voire sa réintégration au sein du programme F-35.
L’acquisition d’avions de combat russes étant désormais exclue [de même que les perpectives de coopération concernant le TF-X], les options d’Ankara sont limitées. Si les relations entre la France et la Turquie, fort anciennes car nouées durant le règne de François Ier, ne s’étaient pas dégradées autant, peut être que le Rafale aurait pu satisfaire les forces aériennes turques…
Mais d’après un responsable turc sollicité par Defense News, l’option la plus sérieuse serait l’Eurofighter Typhoon, produit par un consortium réunissant BAE Systems, Airbus et Leonardo.
Et le Royaume-Uni, qui a su conserver de bonnes relations avec la Turquie malgré les tensions de ces derniers mois, serait à la manoeuvre. Et cela d’autant plus que les industriels britanniques sont impliqués dans le programme TF-X, comme l’a rappelé BAE Systems, via Twitter, le 15 février dernier.
We work with Turkish Aerospace to bring know-how and engineering expertise to the TF-X programme. https://t.co/ctZy3T4lwt
— BAE Systems Air (@BAESystemsAir) February 15, 2022
En outre, le 5 mars, Ismail Demir, le président de l’industrie de défense turque, a déclaré qu’Ankara allait négocier un accord avec Rolls-Royce au sujet de la motorisation du TF-X. D’ici que l’industrie turque rejoigne le programme britannique Tempest par la suite…
« Nous avons eu quelques problèmes [avec Rolls-Royce] auparavant. Ceux-ci ont été résolus. Je pense que nous sommes prêts à travailler ensemble. Nous espérons que, cette année, de nouvelles discussions avec le gouvernement britannique et les responsables de l’industrie augmenteront les chances d’obtenir un accord final », a dit M. Demir.
Quoi qu’il en soit, le responsable de la défense turque interrogé par Defense News a confirmé que le Typhoon peut être une « option », avec la perspective d’une commande d’environ 80 appareils. « Ces avions peuvent même être assemblés en Turquie, bien qu’ils aient alors un prix plus élevé », a-t-il dit.