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Marqués à vie par l'explosion d'AZF à Toulouse, ils racontent leur terrible journée

Certains vivaient à Toulouse même, d’autres se trouvaient hors de la Ville rose au moment de l’explosion mais avaient des membres de leur famille à proximité de l’usine. Adultes ou encore enfants, ils se souviennent précisément du 21 septembre 2001.

L’explosion, le souffle, Toulouse saccagée, le silence, les visages ensanglantés et figés, les nouvelles des proches qui n’arrivent plus…

« Où étiez-vous? Que faisiez-vous ce jour-là? »

« Où étiez-vous? Que faisiez-vous ce jour-là? » Vous avez été très nombreuses et nombreux à répondre à l’appel d’Actu Toulouse et à nous raconter la façon dont vous avez vécu ce drame toulousain qui a fait 31 morts et des milliers de blessés. Nous vous en remercions.

Nous vous proposons certains de ces récits, parfois douloureux, de cette journée à jamais gravée dans la mémoire de ces témoins.

« J’étais au collège Jean-Jaurès de Castanet-Tolosan, quand on a entendu la déflagration. La professeure a été un peu déstabilisée car, forcément, nous avons tous pensé aux attentats qu’il y avait eu quelques jours avant aux États-Unis. De souvenir, le collège nous avait libérés beaucoup plus tôt. De retour au domicile, j’ai le souvenir de la voiture de mon père, une Ford Fiesta bleu, qui était remplie de projectiles de l’explosion. En effet, il s’était rendu au marché local de la Faourette à Toulouse. Et sur le chemin du retour, l’explosion s’est produite au moment où il passait et les projectiles ont eu le temps d’atterrir sur son véhicule. Par chance, il n’a eu aucune blessure ».

Ils ont cru à un attentat

« Je me souviens de cet événement comme si c’était hier. Je venais d’être nommée à l’Université Paul Sabatier au 1erseptembre. À 10 h 17, je roulais à vélo sur la piste cyclable le long du canal (j’avais une réunion à 10 h 30) quand l’explosion a retenti.

Ma première pensée a été qu’il s’agissait d’un attentat : on était à 10 jours de celui du World Trade Center. J’ai poursuivi jusqu’au Campus, où étudiants et personnels, étaient sortis des bâtiments. Une foule. Des questions, plein d’hypothèses mais aucune vérifiée.

Très rapidement, j’ai fait demi-tour et suis rentrée chez moi me mettre à l’abri. Dans mon appartement de Port-Sud, quelques ampoules avaient explosé simplement. Comme beaucoup de gens, j’ai cherché à joindre ma famille pour la rassurer, mais les liaisons étaient saturées ».

Un événement tragique qui a touché les enfants

« J’avais 11 ans en 2001, aujourd’hui j’en ai 31. On ne peut pas dire que j’ai vécu un gros choc ce jour-là car j’ai eu beaucoup de chance, j’étais au collège en 6edans le Gers, à Auch. On était dans la cour, on nous a tous rapatriés dans le réfectoire et on entendait parler d’un nuage qui serait toxique et qui allait passer au dessus de la ville, mais on n’avait rien de plus comme information. Je me souviens qu’avec une copine on s’était dirigées vers une prof de techno, et qu’elle nous avait raconté que l’usine qui était à Toulouse avait explosé et que ça avait donc engendré un nuage qu’il fallait éviter de respirer car toxique. Il y avait du monde dans le hall de l’établissement. On était tous inquiets. On essayait d’appeler nos parents, notre famille, mais le réseau téléphonique était complètement coupé. Ça a duré un bon moment. Quand on a pu appeler, j’ai appelé chez mon père, qui habitait Pins-Justaret, pour savoir si tout le monde allait bien. C’était le cas même si mon tonton, par contre, avait eu de la chance. Les vitres de sa voiture avaient explosé à cause au souffle de l’explosion, alors qu’il allait monter dedans. Après la catastrophe du 11 septembre, on s’imaginait le pire.

Et bien après l'explosion, on sentait la tristesse et la peur. Je me souviens aussi des immeubles complètement soufflés, c'était impressionnant. Cela faisait ville abandonnée.

Je vis maintenant en Corse, mais mes racines seront toujours cette ville qui a su renaître de ses cendres, mais qui aura toujours cette cicatrice ».

« Mes souvenirs sont ceux d’une petite fille de 6 ans au moment des faits. Je vivais à l’époque avec ma mère dans le quartier d’Empalot. Seulement une ou deux heures avant l’explosion, comme tous les matins, ma mère et moi prenions la route en empruntant le périphérique intérieur, où l’on pouvait observer l’usine sur notre gauche, pour me déposer à l’école primaire qui se trouvait quartier des Sept-Deniers. Cette dernière partant ensuite pour le travail.

10 h, la cloche de l’école retentit. Vient alors l’heure de la récréation, ce qui annonçait également l’heure du goûter. Je me rappelle encore ma maîtresse me demandant d’aller appeler mes petits camarades pour les avertir que ce dernier était prêt. Je me revois traverser la cour de récré, prendre une grande inspiration pour crier à voix haute « LE GOUUUTERR !! » (comme à l’accoutumée), mais au même moment, un bruit énorme dans le ciel couvrait complètement ma voix. Moi-même je ne me suis pas entendue parler.

C’était comme un énorme orage déchirant le ciel ou une bombe qui aurait explosé tout près de nous, suivie d’une sorte d’onde sismique faisant perdre l’équilibre aux plus petits. Malgré l'éloignement de mon école avec l'usine, la détonation fut d’une intensité inimaginable.

Je me rappelle avoir vu beaucoup d’enfants crier, pleurer de surprise et de peur comme après un méchant coup de tonnerre. Nos maîtres et maîtresses tout aussi apeurés et ne sachant pas bien quoi faire, si ce n’est nous faire tous rentrer immédiatement à l’abri dans la cantine. Puis plus rien…

À l’époque, nous n’avions pas de portable, ni d’internet pour joindre nos parents et ces derniers n’avaient « officiellement » pas le droit de faire de même afin de ne pas encombrer les lignes.Personne ne nous a expliqué ce qu’il se passait, ce que nous devions faire ou si nos parents allaient revenir nous chercher. L’idée de ne pas les revoir était plus que terrible pour les petits enfants que nous étions. Ce fut une journée interminable où nos parents sont arrivés très tard le soir, car probablement bloqués par la circulation.

Une fois rentrés chez nous quartier Empalot, nous avons retrouvé notre appartement rempli de bouts de verre, car toutes les vitres et fenêtres avaient pété suite à l’onde de choc, tout comme celles de tout le voisinage. Notre chien, qui à l’époque dormait sous la fenêtre, avait été blessé par les impacts de verres tombés sur lui et je me souviens qu’il a fallu une très longue période pour que nos fenêtres soient remplacées… L’hiver fut compliqué et des couvertures étaient distribuées sur la place principale du quartier. Quelque temps après, quand il fallut tous les matins reprendre la même route pour l’école et le travail, nous passions par ce même périph’, devant cette zone sinistrée et dévastée qui j’en suis sûre, a dû inspirer la déprime et le deuil pour chaque personne qui étaient amenée à passer à côté chaque jour, tout comme nous.

Peu à peu, avec l’âge, nos souvenirs s’estompent. Le seul souvenir distinct qu’il me reste encore en tête aujourd’hui et que je n’oublierai probablement jamais, c’est le bruit terrifiant de cette explosion ».

« Une belle journée commençait. Un grand soleil de fin d’été, un ciel sans nuage. J’étais toulousaine depuis 10 jours et je commençais ma première journée de travail en intérim dans une clinique. J’allume une clope en salle de pause. À l’époque, ça se faisait encore. ‘Boum’… Je me lève d’un coup… ‘Boum’. Certaine que la clinique avait sauté. Que j’allais ouvrir la porte sur le vide.

Sortir. Comprendre. Personne n’est blessé. Tout a bougé, les blocs opératoires sont dans le noir, mais ici, tout va bien. À part que les vitres ont volé un peu partout. On attend. Les consignes, les infos, on attend. On essaie de téléphoner aussi. Rien ne passe.

On organise les services. Qui va accueillir les urgences, qui va gérer le service. Je suis intérimaire, je vais où on me dit d’aller.

11 h. Plus une voiture dans les rues. Rien. Rien que des gens à pied, chaussés ou non, la gueule en sang…

Je ne sais plus à quelle heure a fini cette journée. Je ne sais plus au bout de combien de temps j’ai enfin réussi à joindre mon amoureux qui n’était absolument au courant de rien. Je ne sais plus quand j’ai eu Maman qui m’a dit de surtout bien fermer les fenêtres à cause du nuage toxique… Mais il n’y avait plus de fenêtre… »

J’étais étudiante au lycée Hélène-Boucher à Toulouse. Nous étions en classe.Nous avons senti le sol trembler puis… une explosion. Une fille de notre classe a hurlé : "c’est un attentat, on va tous mourir !". Nous avons tous couru dans les couloirs pour rejoindre la cour. Tous, un par un nous avons regardé le ciel pensant à un attentat comme le 11 septembre.

Nous étions anxieux, on se posait beaucoup de questions. Pour certains, c’était un attentat en plein centre-ville. Pour d’autres, c’était l’aéroport de Blagnac qui avait explosé.

Les enseignants nous ont fait rentrer après quelques minutes. Les rideaux des classes se sont fermé un par un, nous plongeant seulement dans l’angoisse avec la lumière des néons.

On nous a autorisés à aller boire aux toilettes, mais très vite l’on nous a interdit de boire l’eau du robinet.

Ma mère travaillait au CHU de Toulouse et elle était injoignable. J’ai eu le temps d’appeler mon papa malade. J’ai simplement entendu allô et ça a raccroché. Après plusieurs heures j’ai réussi à quitter le lycée avec une amie et sa maman. Dans la rue, il y avait des gens en sang, paniqués, d’autres avec des masques… et des voitures partout partout partout…

Le soir, je partais en week-end et nous sommes passés vers le centre-ville… Je me souviens encore de ce désastre… gris de poussière. Des vitres cassées partout… une horreur.

Mes nuits furent difficiles pendant plusieurs mois, j’entendais l’explosion dès mon endormissement. Aujourd’hui j’en parle encore émue, car le moindre boum me fait sursauter… Jamais je n’oublierai ».

« J’étais à l’école primaire Victor-Hugo à Bellefontaine. Nous étions en pleine récréation. Tout d’un coup, j’entends un énorme boum qui m’a littéralement traversé le corps. J’avais les mains collées au grillage, j’ai eu comme une sensation d’électrochoc. Je me rappelle être restée au moins une minute tétanisée, car je ne comprenais pas d’où ce son venait, je n’entendais plus rien autour de moi, juste un énorme bruit dans mes oreilles comme des sifflements. Cela m’a complètement paralysée. J’étais sous le choc, je ne pouvais plus bouger.

Et puis j’ai repris mes esprits et la première personne à qui j’ai pensé, c’était à mon frère qui se trouvait dans la même école. Alors, j’ai couru à l’entrée de l’école pour voir ce qu’il s’était passé, mais c’était le chaos. Il faisait sombre et je ne voyais pas grand-chose. Je ne voyais plus les surveillantes. Il n’y avait plus de lumière, juste une alarme qui sonnait sans cesse avec une lumière rouge. Il y avait du verre partout. J’ai crié le prénom de mon frère, je ne le retrouvais pas, j’avais tellement peur que ma mère m’engueule de ne pas avoir pris soin de lui.

J’ai fait demi-tour et je suis allée vers l’entrée principale de l’école, et là, j’ai vu mon frère à genoux. Je l’ai pris dans mes bras en disant que tout allait bien se passer qu’il fallait juste qu’on attende maman qui venait nous récupérer. Alors je lui ai donné la main et nous avons prié tous les deux. Je ne sais plus comment s’est passée la fin, mais je sais que ma mère est venue nous récupérer… La voiture n’avait plus de pare-brise. Arrivée devant la maison, ma mère est montée pour voir si tout était en sécurité. Et puis nous sommes montés à la maison. Je n’oublierai jamais ce jour… »

« Le jour où AZF, que nous appelions l’ONIA, a explosé, je me trouvais chez moi dans mon appartement de la cité Daste, rue de Toulon. Je faisais le ménage, mes deux enfants de 6 et 4 ans étaient à l’école Léo-Lagrange à Empalot. L’un en primaire et le second en maternelle. J’avais balayé l’appartement, puis au moment où je ramasse ce que j’avais balayé, je me penche et là, la fenêtre de la cuisine explose dans un bruit sourd… Comme je suis baissée, je ne suis pas blessée. Je regarde autour de moi et je m’aperçois que toutes les vitres de l’appartement sont explosées. En l’espace de quelques secondes, je me précipite dehors pour aller chercher les enfants à l’école, je hurle… Je croise une voisine qui me dit que c’est l’école de mes enfants, qu’il y a eu une bombe… J’arrive à l’école, mes enfants n’ont rien. Mon fils aîné tient encore sa brique de lait à la vanille dans sa main. Nous sommes tous abasourdis… J’appelle mon mari (c’est l’unique fois où j’ai pu l’avoir au téléphone), à ce moment-là, il est magasinier cariste dans une entreprise de matériaux à Balma, je lui dit que l’ONIA a explosé, que les petits n’ont rien. Il ne me croit pas, enfin il a du mal à le croire… Il a bien senti les vibrations… Je veux fuir Empalot, mais tout est bouché partout ».

« J’étais lycéen à Henri-Matisse à Cugnaux. La matinée était normale. D’un coup, le sol tremble. Tout le monde se regarde, surpris, comme pour se rassurer les uns les autres.

Je me lève pour regarder par la fenêtre. La base de Francazal est pas loin. Je pense à un crash. À la seconde où j’atteins la vitre… l’onde de choc ! Je ne sais toujours pas comment la vitre n’a pas explosé. Et heureusement, j’avais le nez dessus.

Marqués à vie par l'explosion d'AZF à Toulouse, ils racontent leur terrible journée

On reste dans la classe, mais on entend des bruits et des voix de plus en fortes dans les couloirs. On sort, et 10 jours après le 11 septembre, la panique se répand très vite : « C’est le métro ! Des attentats dans plusieurs stations », « c’est à l’ONIA ! Oh non mon père travaille là-bas ! » « Le centre-ville a pété, tout a pété ». Ma gorge est serrée. On nous dit de rester dans le lycée. Puis, on entend les nouvelles d’un nuage toxique. Une attaque terroriste chimique. Cela en est trop pour moi. « Le nuage se déplace vers ici! ».« Non, il part de l’autre côté ! ». On se regarde avec mon meilleur ami. On se comprend. On ne va pas rester là. Une porte mal fermée, et on sort du lycée à toute berzingue.

Et là, le contraste. Le calme ambiant de quelques lycéens à l’extérieur contraste vivement avec la panique qui règne à l intérieur. On arrête de courir. Chacun monte dans sa voiture et on se dit au revoir. Je rentre chez moi à Fontenilles. Je regarde les news. Je comprends. Ces images de gens ensanglantés, béats, sur la rocade que l’on verra des centaines de fois.

Volontaire à la Croix-Rouge avec mon oncle, on s’appelle. On se rejoint. Une amie qui travaille au SMUR est réquisitionnée. On va la conduire à Purpan, et voir si on peut être utile de quelque façon que ce soit.

Le trajet vers Purpan, sur la RN124, est irréel. Ca commence par un checkpoint à l'entrée. Les gendarmes nous laissent passer. On roule, vite. La rocade est vide. Personne. Irréel.

On arrive à Purpan, près de l’héliport, et là, c’est l’inverse. Ça buzze dans tous les sens, deux pilotes marchent résolument vers l’hélicoptère du SAMU. Notre amie part dans son service. Nous réalisons très vite qu’on ne pourra rien faire ici. On essaiera le centre-ville, en se présentant au poste de commandement qui nous remerciera. Le balai des hélicoptères est incessant. Ils atterrissent en pleine rue, en plein Toulouse. Je n’ai jamais vu autant de gyrophares de ma vie… »

« J’étais en cours d’Anglais au Lycée Ozenne en Terminale. J’étais assise au milieu de la classe côté cour intérieure du lycée, entre deux fenêtres. Le cours se déroulait tranquillement, quand on a senti le sol trembler puis les fenêtres s’ouvrir violemment. Elles n’ont pas explosé bizarrement. Puis la panique… On est parti en courant de la classe, du lycée.

On courait dans les rues on était sûrs que c’était de nouveau une attaque terroriste... Un attentat. On pensait que c’était les galeries Lafayette qui étaient attaquées. Je me souviens des bouchons pour sortir du centre-ville pour rentrer chez moi à Blagnac. La panique totale. C’est une cicatrice invisible. Ce jour-là est gravé dans ma tête.

Chaque Toulousain sait exactement où il était le 21/9/01 à 10h17 et chaque Toulousain l’a raconté au moins 100 fois – un besoin de raconter, encore et encore. Il y a un avant et un après ce jour-là. C’était, et ça restera un vrai choc ».

« J’étais en 6eau collège Bétance à Muret, en cours de technologie.

10h17, l'explosion. Tout a tremblé. Un son lourd, fort, qui a duré un instant puis plus rien. Plus un bruit. Le silence. Nous pensions que quelque chose avait explosé au lycée. Un attentat ? Le 11 septembre n'était qu'à 10 jours de nous...

Le professeur n’a pas cédé à notre panique et a été rassurant : « C’est sûrement un avion qui a dû passer le mur du son »… Une heure après, ma mère est venue me chercher lorsque j’étais en cours d’anglais. L’infirmière est venue en classe et m’a expliqué que quelque chose de grave s’était produit. Ma maman m’attendait en bas de l’escalier. Je ne comprenais pas. À l’époque, ma mère travaillait à la zone Thibaut. Elle a eu de la chance, le souffle n’a rien emporté dans son bâtiment… Une fois sorties du collège, nous avons contacté mon père grâce à la cabine téléphonique qui se situait à l’entrée du complexe sportif. Lui, n’avait pas ressenti le choc, car il était en déplacement. Nous avons ensuite était cherché mon frère au lycée Pierre-Aragon. Tous camouflés pour ne pas respirer l’air d’un éventuel nuage toxique, nous sommes restés confinés le week-end suivant l’explosion ».

« J’étais chez moi à Pujaudran, j’étais en train de repasser lorsque j’ai entendu les explosions, mes vitres ont tremblé. J’ai allumé la radio puis la télévision sur la chaîne TLT et j’ai écouté les commentaires, j’ai appelé mon époux qui travaillait dans un CFA derrière la clinique Ambroise Paré… Sans aucune réponse, car le réseau était hors service…

Un nuage jaune était au loin et devait arriver sur Pujaudran à cause du vent d’autan. J’ai pris ma voiture et suis partie chercher mes enfants au collège de l’Isle-Jourdain sur le conseil du directeur, puis je suis partie à Fonsorbes récupérer ma nièce qui avait été rapatriée par sa prof de gym du lycée des Arènes où elle avait vu les vitres se briser et beaucoup de jeunes avec du sang.

Nous sommes tous rentrés à la maison et avons appris ce qui s’était vraiment passé. Dix jours après les tours jumelles… Ça faisait peur ».

« Mon père travaillait à AZF. Le jour de l’explosion, un peu malade, j’avais préféré rester chez moi, un appartement sur les coteaux de Pech-David, plutôt que de me rendre à mon travail.Je dormais et j’ai senti mon lit bouger comme si plusieurs personnes le secouaient. Suivi d’un bruit sourd d’explosion. Je me suis vite levée pour me rendre compte qu’il y avait eu un gros problème : les baies vitrées des appartements brisées (la mienne étant ouverte, elle était restée intacte), des cris, des gens hagards au visage ensanglanté, du verre brisé partout… Très vite, j’entends la rumeur qu’AZF a explosé. J’essaie d’avoir ma mère à Papus, le réseau téléphone est saturé. J’arrive à lui parler. Elle est paniquée, elle n’arrive pas à avoir mon père à l’usine.

Chez eux, le plafond est tombé, plus de vitres, de fenêtres, les escaliers impraticables… Je suis montée en haut de la colline et j’ai vu cette fumée. Et je me suis dit : mon père est là, au milieu de ces débris, de ce chaos. Je ne veux pas croire qu’il est mort. Un petit nuage orange se déplaçait au-dessus des curieux venus contempler la scène. Connaissant les dangers, j’ai calfeutré précautionneusement mon appartement et proposé à tous ceux que je pouvais croiser de venir se mettre à l’abri – aucun n’a accepté.

Entre temps, mon beau-frère est venu chercher ma mère. Passé ce moment, il fallait maintenant trouver mon père. On a su que les hôpitaux communiquaient des listes. Ma mère et ma sœur sont parties à Purpan et moi à Rangueil pour attendre, écouter tous ces noms sans entendre celui de mon père. Entre énervement et larmes… Insupportable.

Ce n'est qu'en toute fin d'après-midi que nous avons su qu'il était à Rangueil. Je suis allée le voir, il était hébété, effrayé, il n'avait pas compris ce qui s'était passé. En une fraction de seconde, ce sont plus de 40 années de travail qui se sont effacées, toute sa vie à l'usine rayée d'un trait et plusieurs de ses collègues, des anciens comme lui, morts.

Il attendait une retraite bien méritée, il quittera sa vie de labeur dans les fracas de l’explosion.

Voilà, ça fait 20 ans maintenant… »

« Je n’étais pas à Toulouse ce jour-là, j’habitais encore dans le Nord de la France, mais une partie de mes proches du côté paternel vivaient ici, notamment ma grand-mère paternelle aujourd’hui disparue, je vais y revenir plus loin…J’ai appris cette explosion par le journal de 13 heures d’une chaîne nationale.

Après l’explosion, j’ai essayé de téléphoner à ma grand-mère paternelle chose impossible, je n’avais pas de téléphone portable il y a 20 ans, j’étais encore au bon vieux téléphone fixe, une autre époque à la fois si lointaine et si proche… Et toutes les communications étaient coupées.

J’ai su des années après le récit de cette journée : ma grand-mère paternelle s’est rendue aux halles de Saint-Cyprien comme elle en avait régulièrement l’habitude, l’explosion s’est produite à ce moment là. Elle habitait non loin du Lycée et du métro des Arènes, sur la ligne A.

Elle a marché sans but pendant des heures car désorientée, le métro avait été arrêté suite à l’explosion.

Une fois rentrée chez elle... Plus de fenêtres ! Ma grand-mère à passé l'hiver 2001-2002 avec des contreplaqués en guise de fenêtres, elle était locataire de son logement qu'elle n'a jamais voulu quitter, elle a longtemps refusé de nous recevoir sans avoir des fenêtres chez elle.

Une dizaine d’années plus tard, elle a développé une maladie d’Alzheimer, cette explosion couplée à la canicule de l’été 2003, ont sans doute été des facteurs de développement de cette maladie nous ont dit les médecins spécialistes de la vieillesse. Trop d’émotions violentes pour une dame qui allait devenir septuagénaire après ce 21 septembre 2001…

Aujourd’hui, en passant par le site de cette ex-usine à vélo, je suis rempli de joie de voir comment il a été refait, notamment pour les vélos. On peut longer la route d’Espagne depuis le chemin de la Loge et admirer le bureau futuriste des Laboratoires Pierre Fabre. On peut également venir de la Croix-de-Pierre en longeant la digue, passer derrière le Lycée Gallieni salement touché par l’explosion avec le décès d’un élève, passer derrière les bureaux cités plus haut ainsi que derrière l’Institut Universitaire du Cancer de Toulouse et arriver à l’entrée de Portet-sur-Garonne sans grande difficulté, c’est tout plat !

Toulouse aura connu la plus grave catastrophe industrielle de l’après-guerre, mais il y a aussi les décès indirects de cette explosion.

Toulouse aura aussi montré la voie au niveau du Pays puisque l’on a imaginé des Plans de Prévention des Risques Techniques et Technologiques pour les habitants à proximité de ces usines. Voilà mon 21 septembre, en mémoire de ces proches aujourd’hui disparus. 20 ans plus tard je n’oublie pas… »

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« Ce 21 septembre 2001, je me trouvais dans une banque à Grenade-sur-Garonne. Une grande détonation a fait trembler le sol et les vitres. Un grand silence et des regards interrogatifs. Nous avons d’abord pensé à un crash d’avion proche de l’aéroport.

Les téléphones ont retenti : « C’est un attentat au centre-ville de Toulouse ». Puis, plus de communication possible… Alors on écoute la radio qui avertit de se calfeutrer et surtout de ne pas sortir !

Je prends la voiture pour rentrer chez moi me calfeutrer. Dehors, le ciel est... apocalyptique ! Un énorme nuage rose au-dessus de Toulouse se déplace vers l'ouest apportant une odeur étrange. Je veux récupérer mes enfants à l'école, mais impossible, plus de réseau téléphonique. Je m'informe avec la radio et j'apprends la catastrophe.

« Le 21 septembre, j’étais en formation au CNFPT au Mirail. On a entendu une première explosion qui a surpris tous le monde et qui a fait trembler les vitres. À la deuxième explosion, encore sous le choc de la première, les faux plafonds se sont effondrés, et là, on a paniqué et on nous a dit de rentrer chez nous car on pensait qu’il y avait eu un attentat comme aux États-Unis. Sur le parking, on avait tous les mêmes idées en tête et on s’inquiétait pour nos proches. Impossible de joindre ma famille au téléphone, ce qui était encore plus angoissant. J’ai mis des heures pour regagner mon domicile de Saint-Cyprien, car je suppose que tous les lieux de travail avaient fermés. J’étais angoissé, mais je crois que je l’aurais été beaucoup plus si j’avais eu des enfants à l’école. D’autant plus que l’on ne savait pas d’où venait l’explosion, vu la quantité de verre brisé ou autres dégâts à terre. Ce jour-là, on a su ce que ressentaient les gens qui vivaient dans un pays en guerre. Vive la paix ! Heureusement, il n’y a pas eu de blessé parmi ma famille et mes amis. Mais les dégâts étaient impressionnants ».

« Le 21 septembre 2001 j’étais dans mon bureau avec des baies vitrées partout, route d’Espagne, à côté du site de l’usine. J’ai cru que c’était un attentat puisque les Twin Towers venaient de s’effondrer. Toute la matinée j’ai essayé de gérer des blessés – j’avais cinq côtes cassées – et ai fini par remonter à pied une vingtaine d’entre eux jusqu’à Croix de Pierre, car les secours ne sont jamais arrivés jusqu’à nous. J’y ai rencontré deux journalistes séparément, qui m’ont affirmé qu’il s’agissait bien d’ attentats puisqu’ils arrivaient du centre-ville où, d’après eux, plusieurs bombes avaient explosé dans des magasins. Bizarrement, j’ai tout mémorisé dans le détail ! Et pendant des mois, nuit après nuit, j’ai tout revécu ! Un psy m’a dit qu’il s’agissait d’un syndrome post-bombardements… Je ne le souhaite à personne. »

« Je travaillais sur le site EDF au 44 avenue de Muret. On mettait en place les mesures Vigipirate et notamment la surveillance du courrier. Un agent m’a interpellé violemment sur l’inutilité des mesures et un échange verbal tendu s’en est suivi.

Au moment de l'explosion, j'étais dans mon bureau, j'ai été projeté en arrière et les néons me sont tombés dessus. J'ai crû que ma dernière heure était arrivée et que le bâtiment allait s'écrouler.

J’ai pensé à une explosion criminelle sur place. Alors que je suis d’un tempérament calme et pacifique, la peur m’a donné une envie de meurtre du collègue qui s’agaçait de la sécurité le matin-même. Je suis sorti de mon bureau et j’ai porté un collègue blessé pour sortir dans la cour intérieure. En tant que secouriste du travail, j’ai voulu prodiguer les premiers soins aux blessés, mais je tremblais tellement que je n’arrivais pas à ouvrir la trousse de secours. Sur l’avenue de Muret, les chiens courraient dans tous les sens complètement affolés. Les forces de l’ordre, par la suite, faisaient la circulation et étaient les seuls à être masqués quand le nuage de pollution a envahi les environs. Nous avons récupéré et abrité les enfants d’une école primaire dévastée à proximité. Mon fils qui était au lycée Déodat-de-Séverac, tout proche, est venu me retrouver alors que dans la panique je l’avais complétement oublié.

Nous sommes rentrés tant bien que mal à Pins-Justaret où nous habitions donner de nos nouvelles faute de communication téléphonique. Journée d’angoisse et de panique qui s’est poursuivie par la longue remise en état du site dont certaines façades métalliques s’étaient déplacées d’un mètre.

Pendant longtemps, les bruits me faisaient sursauter et, un an après, j’ai perdu 30% d’audition sur une oreille. Je plains ceux qui ont vécu des bombardements, quand je pense au traumatisme d’une seule explosion ».

« Ce jour du 21 septembre 2001j’étais en dialyse dans un centre à Blagnac. Les vitres de la pièce où j’effectuais ma séance de dialyse ont tremblé et je me demandais, comme beaucoup, ce qui se passait. Après, je suis rentré chez moi à Castelginest, et le dimanche 23 septembre, à midi, j’ai reçu un appel du service de néphrologie de Rangueil pour me dire qu’un rein était disponible et qu’éventuellement je serais greffé.

Et le soir, après divers examens et beaucoup d’attente, j’ai été enfin greffé après plus de quatre ans et demi de dialyse. Je pense avoir le rein d’une personne qui est malheureusement décédée ce 21 septembre. Le don d’organes est anonyme, mais j’ai appris que j’ai le rein d’une femme, car c’était noté dans le compte-rendu de ma greffe que mon médecin généraliste a reçu. Je remercie la famille de la donneuse qui, dans son malheur, a accepté un don d’organes.

Ce rein, qui est un cadeau du ciel, j’en prends soin, et cela va faire 20 ans qu’il fait partie de moi. Tous les ans, le 21 septembre, j’ai toujours une pensée pour toutes les personnes qui sont décédées ce jour-là et leur famille ».

Notre dossier complet pour les 20 ans de la catastrophe
Retrouvez notre dossier complet pour les 20 ans de la catastrophe d’AZF en cliquant sur le lien suivant :
>> Explosion d’AZF à Toulouse : infos, commémorations… Tout savoir sur les 20 ans de la catastrophe<<

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