Le «rideau de fer» désigne la séparation, d’abord idéologique puis physique, établie en Europe au lendemain de la Seconde guerre mondiale entre la zone d’influence soviétique à l’Est et les pays de l’Ouest. Cette barrière tombe en 1989 avec le mur de Berlin.
Restes du rideau de fer sur la frontière intérieure allemande en 2005. DR/Wikipedia
D’où vient l’expression?
Cette métaphore a été popularisée par Winston Churchill: «De Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique, un rideau de fer s’est abattu sur le continent», déclare-t-il le 5 mars 1946, dans un discours aux Etats-Unis.
Sa paternité est attribuée à l’écrivain russe Vassili Rozanov, qui l’employa en 1918 à propos de la révolution bolchevique dans son livre «L’Apocalypse de notre temps»: «En cliquetant, en craquant et en grinçant, un rideau de fer descend sur l’histoire de la Russie».
Frontière idéologique, puis physique
Cette frontière entre l’Europe communiste et l’Ouest, conçue par les dirigeants soviétiques pour faire barrage à l’idéologie occidentale, s’est progressivement matérialisée pour freiner les fuites de citoyens vers l’Ouest.
Le mur de barbelés, ici à la frontière germano-autrichienne, à environ 50 km à l’est de Vienne, sera démantelé en 1989. Keystone archives
Erigée à partir de 1949 par la Hongrie puis par les autres pays du bloc communiste, elle était composée de barbelés, fossés, ouvrages bétonnés, alarmes électriques, installations de tirs automatiques ou mines, s’étendant sur plusieurs milliers de kilomètres.
Le mur de Berlin
En Allemagne de l’Est, les dirigeants communistes décrètent en 1952 une zone d’interdiction large de dix mètres le long de la frontière avec la République fédérale allemande (RFA), avec clôtures en barbelés et postes de guet.
Pourtant, il reste une faille au dispositif: Berlin, séparée en deux parties – l’une sous contrôle soviétique, l’autre occidental – entre lesquelles on peut circuler sans difficulté majeure. Quelque trois millions de personnes parviennent à trouver refuge en RFA via Berlin-Ouest entre 1952 et 1961, vidant la République démocratique (RDA) de ses forces vives.
Le régime est-allemand obtient l’accord de Moscou pour ériger en 1961 le mur de Berlin, présenté comme un «rempart antifasciste». Le mur, longé côté Est par un no man’s land, fait 155 kilomètres (43 km scindent Berlin en deux du nord au sud, et 112 km isolent l’enclave de Berlin-ouest du territoire de la RDA). Il est composé essentiellement de béton armé et par endroits de grillage métallique.
Passage risqué à l’Ouest
Les séjours à l’Ouest des citoyens d’Europe de l’Est n’étaient autorisés que sous strictes conditions. Les candidats à l’exode prenaient tous les risques. Quelque 600 à 700 personnes, selon les historiens, ont perdu la vie en essayant de fuir le régime est-allemand.
Le seul mur de Berlin a occasionné au moins 136 morts. Quelque 5000 personnes sont cependant parvenues à le franchir, en usant de stratagèmes parfois très imaginatifs. Une famille s’est ainsi échappée depuis le toit d’un bâtiment, grâce à une tyrolienne reliée à des proches qui attendaient en contrebas, de l’autre côté du mur. D’autres ont fui à la nage par la Spree, le fleuve qui traverse Berlin, par des tunnels ou cachés dans des véhicules.
1989, le démantèlement
En mai 1989, la Hongrie décide d’ouvrir sa frontière avec l’Autriche, ce qui sera la première brèche dans le rideau de fer. Le 19 août, plus de 600 Allemands de l’Est, en vacances en Hongrie, profitent de l’ouverture d’un poste-frontière avec l’Autriche à l’occasion d’un pique-nique paneuropéen pour fuir à l’Ouest, premier exode de ce genre depuis 1961.
Les régimes communistes d’Europe de l’Est commencent à tomber et l’URSS, alors dirigée par Mikhaïl Gorbatchev, n’intervient pas. La RDA est secouée par des manifestations sans précédent.
Le 9 novembre, un haut dirigeant de RDA, Günter Schabowski, membre du bureau politique du parti communiste, est pris au dépourvu lorsqu’il est interrogé sur la date d’entrée en vigueur de nouveaux droits de circulation pour les Allemands de l’Est. «Autant que je sache, immédiatement», bredouille-t-il devant la presse.
Sa réponse déclenche l’afflux de milliers de Berlinois de l’Est vers les postes de contrôle dont les gardes, déboussolés, finissent par lever les barrières.
Pendant la nuit les Berlinois euphoriques célèbrent l’événement juchés sur le mur, puis entreprennent de le détruire à coups de pioche. Les deux années suivantes, l’URSS implose.