On l’achète pour avoir de la classe, mais il pourrait nous faire perdre le peu de chic qu’on a si on ne prend pas le temps de bien le choisir. Comment trouver un bon complet?
« Le problème avec votre costume? Il est bourré de colle. » Giovanni Secondo, tailleur depuis 36 ans, est catégorique en examinant l’habit brun que j’ai payé 300 dollars dans un grand magasin. « Je fais tous mes vestons à la main et ils n’en contiennent pas une goutte. La colle réagit mal au nettoyage à sec. Elle finit par tomber à l’intérieur. » Résultat, votre complet a l’air moche en moins de six mois.
Acheteur principal des complets pour hommes depuis 25 ans à la Maison Simons, Pierre Piché est moins sévère. « J’aurais dit ça il y a dix ans. La colle s’est améliorée depuis. » Quand même, il n’a pas l’air impressioné par mon veston. « Il manque de souplesse », dit-il enfin. Mais son langage corporel est plus éloquent. Il fait la moue en tâtant mes épaulettes, commente la façon dont le veston « tombe », n’attribue pas beaucoup de mérite aux chestpieces, cette étoffe en coton placée à l’intérieur pour donner du corps au costume. Bref, la qualité d’un habit, à ses yeux, tient à la qualité de ses composantes. Le tissu d’abord.
« La rareté et la beauté du tissu justifieront souvent le prix d’un costume », soutient Michel Brisson, de la boutique éponyme à Outremont. Selon lui, plus encore que le tissu, dont il est difficile de juger de l’excellence, le design et la coupe en diront pas mal plus sur le costume parfait. « Le problème avec le vôtre, c’est qu’il n’est pas de la bonne taille. » Quoi ?
Spécialisé dans le Zegna et Tiger of Sweden, Michel Brisson trouve que les hommes sont mal conseillés. « Trop souvent, leur habit est mal ajusté, pas assez cintré, trop lousse. » Je ne flotte pas dans mon habit, quand même! « Oui, oui, regardez, fait-il tout sourire, votre veston est trop long, votre pantalon monte trop haut, et les jambes sont trop larges. On ne voit pas votre corps! » Ah?
Une légère paranoïa s’empare de moi. Au bureau, combien ont-ils été à rire de moi dans mon dos? Combien ont pensé que je m’habillais chez Daniel Spécialités? Et maintenant, le prochain habit, je le choisis en me basant sur quoi?
Michel Brisson avance que de vraies boutonnières aux poignets font très classe. « Par exemple, vous, vous avez de fausses boutonnières. En fait, c’est même pas des fausses boutonnières, c’est juste des boutons alignés un à côté de l’autre! C’est pas grave », conclut-il pour que je ne sois pas désolé.
« Sur certains vestons, vous remarquerez une surpiqûre sur le revers et sur le rabat des poches du veston, note Pierre Piché. Voilà assurément un détail de qualité. »
Le premier élément qui frappe Giovanni Secondo, c’est l’allure du revers du veston. « Un veston de prêt-à-porter est empesé à la machine, pour ne pas dire écrasé à la machine. Regardez, le revers de ce veston a cette courbe naturelle », dit-il en le caressant fièrement.
Jean Lefebvre attire mon attention sur la finition des poches intérieures. « Dans les vestons haut de gamme, un morceau de tissu vient renforcer la poche. Il n’y a aucune chance qu’elle s’affaisse avec le temps, comme la vôtre. »
La doublure du veston vaut le coup d’œil. A-t-elle l’air d’un rideau de douche acheté au Dollarama ou d’une tapisserie des Flandres? « La doublure de votre veston respirera un peu moins que celui-là, affirme Pierre Piché en pointant du doigt un costume à 795 dollars dont la doublure, italienne, « aidera sans contredit à garder la souplesse et la forme du vêtement. »
Une doublure cheap, en passant, pourrait bientôt dépasser de vos manches et faire de vous un émule de Homer Simpson. « On constate la qualité d’une doublure à son épaisseur. Une bonne doublure gardera toujours sa forme lisse. On voit que ce n’est pas le cas de la vôtre », laisse tomber Jean Lefebvre à la vue des 212 plis qu’arbore la doublure de mon veston. Dans ce marécage de ridules, il déniche par pur hasard un pli d’aisance, élément de qualité à ses yeux. Placé au milieu du dos, il permet de bouger sans donner l’impression que le veston va se déchirer sur notre dos. Le problème, c’est que celui de mon veston mesure à peine trois centimètres « alors qu’il devrait partir du cou et s’étirer jusqu’à la taille, pour un meilleur confort ».
Le pantalon, quant à lui, devrait être doublé jusqu’au genou. La présence d’une bande magique autour de la taille, qui contribue à retenir la chemise à l’intérieur du pantalon, est aussi bon signe. « Dernier indice d’une finition de qualité : le pantalon comprendra trois points de fermeture. Mais c’est pas toujours pratique quand on est pressé! » lance Jean Lefebvre dans un éclat de rire.
Je ne me demande plus ce qui cloche avec mon complet. C’est clair, une petite séance de magasinage s’impose. Adieu complet brun!
À surveiller lors de votre prochain achat
Plusieurs critères entrent en jeu lorsque vient le temps d’acheter un nouveau suit. Si l’on veut que celui-ci traverse l’épreuve du temps, on prêtera au moins attention à cinq éléments principaux:
1. Le tissu. On privilégiera la laine à toute autre fibre.
2. La couleur. On la choisira sobre. Si l’on possède trois complets, une idée reçue veut qu’ils soient noir, bleu marine et gris.
3. Les boutons. Il y en aura peut-être trois, mais préférablement deux.
4. Les ouvertures au dos. Un veston comportant deux fentes latérales durera plus longtemps.
5. Les revers du veston. Ils seront assez larges. Des revers étroits pourraient avoir l’air cool une saison seulement.