Elles ont à peine eu le temps de nous manquer. Un an seulement après avoir mis fin à l'émission de téléréalité qui a fait d'elles des stars mondiales, les femmes de la tribu Kardashian posent leurs valises Louis Vuitton chez Disney+. La plateforme de streaming lance ce jeudi leur tout nouveau programme, sobrement intitulé Les Kardashian, qui reprend la recette gagnante de leur précédent show: des crêpages de chignon intra-familiaux, des trains de vie luxueux à la lisière de l'indécence, une bonne dose d'impudeur et des situations si outrancières qu'elles en deviennent hilarantes.
Personne n'y croyait vraiment lorsque les sœurs Kim, Khloé et Kourtney, leurs demi-sœurs Kendall et Kylie ainsi que la matriarche Kris ont annoncé, en 2020, arrêter la téléréalité. L'Incroyable famille Kardashian, fleuron de la chaîne câblée américaine E! Entertainment, a tiré sa révérence l'année dernière après 14 ans de diffusion, le temps de transformer ces jeunes Californiennes bien nées en poids lourds du divertissement américain.
Avec Les Kardashian, les fans ont droit à une double ration grâce à des épisodes durant désormais une heure. Et ils retrouvent le clan là où ils l'avaient laissé: aujourd'hui (presque) toutes mères de famille, elles jonglent entre enfants, galères amoureuses et activités ultra-lucratives de femmes d'affaires. De marques de cosmétiques en lignes de vêtements, en passant par la lingerie, les Kardashian sont aujourd'hui à la tête d'un empire estimé à plus de 5 milliards de dollars.
Le retour de la sextape
C'est là la grande (la seule?) différence entre Les Kardashian et l'émission qui l'a précédée: en 2007, année du premier épisode, les sœurs Kardashian étaient des jeunes filles à peine connues du grand public. Elles venaient de sortir de l'ombre après la "fuite" de la sextape de Kim, alors une jet-setteuse parmi d'autres. Un coup d'éclat qui avait offert à la starlette une notoriété à double tranchant: adulée par certains, elle était aussi devenue le symbole d'un star-system malade, qui érige au rang d'icône toute anonyme dénuée de talent mais qui ose s'exposer.
Les choses ont bien changé: aujourd'hui, Kim Kardashian pèse plus d'un milliard à elle toute seule, elle s'est fait une place de choix dans le milieu très élitiste de la mode, elle multiplie les prises de paroles politiques et a même eu accès au Bureau ovale pour parler réforme carcérale sous la présidence de Donald Trump. Alors, quand la fameuse vidéo intime revient la hanter dès les premières minutes des Kardashian, ce document compromettant agit comme un symbole du chemin parcouru. À mille lieues de la jeune écervelée que décrivait la presse people à ses débuts, Kim Kardashian peut désormais attraper son iPhone pour appeler Marty Singer, l'avocat que les stars s'arrachent, et le charger de régler l'affaire.
"J'ai tout le temps, tout l'argent et toutes les ressources nécessaires pour les anéantir", lâche-t-elle.Des mères comme les autres
La fortune stratosphérique des Kardashian offre au programme certains de ses moments les plus drôles: les milliardaires y sont coincées entre leur train de vie et la nécessité de se mettre (un peu) au niveau des téléspectateurs.
La couleur est annoncée dès la première séquence, qui présente les femmes de la fratrie dans leurs splendides demeures respectives. Tout ce petit monde s'active pour se rejoindre chez Kim, qui reçoit autour d'un "barbecue". Oubliez les merguez et les gambas à la plancha. En langage Kardashian, le barbecue est un splendide buffet à volonté cuisiné par un traiteur. L'hôtesse profite d'un moment d'accalmie pendant les préparatifs - le personnel s'occupe de tout - pour expliquer au cameraman qu'elle mène une vie de mère comme les autres:
"J'ai nettoyé la salle de jeux aujourd'hui, et ce genre de chose me fait... bander. Simplement de ranger la salle de jeu. Je suis folle! N'importe quelle maman comprendra ça: si la salle de jeu est rangée, je dors bien la nuit."Toute mère possèdant une salle de jeu sera, à n'en pas douter, d'accord avec cette affirmation. Quelques instants plus tard, c'est dans un cortège de Rolls Royce - les caméras ne manquent pas un seul des logos qui croisent leur objectif - que surgit un tsunami de chevelures brunes, de lunettes de soleil et d'ongles manucurés. Les Kardashian sont prêtes pour manger!
Dur labeur et polémique
Avant de se mettre à table, Kris Jenner la momager - comprendre: mère et manager de toute la tribu - passe au confessional pour s'étendre sur la réussite financière de sa progéniture. Elle se lance dans une interminable énumération des business lancés par ses cinq filles, un fier sourire aux lèvres - rappelons qu'elle touche 10% des revenus perçus par tous ses enfants - entrecoupée de plans de sa propre routine.
Du haut de ses 66 ans, Kris Jenner se lève tous les jours à 4 heures du matin pour faire ses exercices journaliers, dans la salle de sport installée à son domicile. Sur son tapis de course, les yeux à peine ouverts, elle passe ses premiers appels professionnels de la journée: "Comment ça se fait que personne ne décroche à 7 heures? C'est presque l'heure du déjeuner!"
Si l'argent a toujours fait partie intégrante de la galaxie Kardashian, il s'accompagne dans Les Kardashian d'un sous-texte moralisateur: le clan assume de se poser en exemple de la réussite à l'américaine, faite de dur labeur et de lauriers justement récoltés. Une posture risquée, comme les Kardashian l'ont appris à leurs dépens il y a à peine deux mois. Début mars, Kim Kardashian avait déclenché une polémique en se laissant aller à une leçon d'entrepenariat dans une interview pour Variety:
"J'ai le meilleur des conseils pour les femmes entrepreneuses: bougez votre p***** de c** et bossez" avait-elle lâché. "On dirait que plus personne ne veut bosser aujourd'hui."Cette observation, faite par une femme issue de la grande bourgeoisie californienne, lui avait valu un torrent de critiques sur les réseaux sociaux. Elle annonçait visiblement la teneur du nouveau programme.
Divorces, grossesses et tensions
Qu'elle soit filmée ou non, la vie privée des Kardashian est toujours connue du grand public. Généralement, elles évitent tout commentaire officiel, réservant la primeur de leur réaction aux téléspectateurs de leur show. Comme L'Incroyable famille Kardashian avant elle, Les Kardashian tient la promesse de faire la jonction entre ce que le public perçoit par le biais de la presse people et ce qui se passe réellement, vu de l'intérieur.
Ainsi, aucun sujet n'est tu: le divorce de Kim Kardashian avec le rappeur Kanye West, la deuxième grossesse de Kylie Jenner, les relations tendues entre Kourtney et le père de ses trois enfants... Tout ce qui a agité les médias sans que les stars ne prennent la parole est désormais à la portée de tous ceux qui s'y intéressent.
L'humour (et la vulgarité) en étendard
Si les Kardashian ont réussi à charmer le grand public, c'est en partie grâce à leur spontanéité et à l'humour ultra osé qu'elles s'autorisent, dans un paysage télévisuel américain toujours conservateur. Et ce premier épisode prouve qu'elle n'ont rien perdu de cette franchise, qui offre des séquences d'une absurdité tordante.
Quand Kourtney s'épanche sur sa nouvelle idylle avec le célèbre batteur Travis Barker, c'est pour s'émerveiller de la manière "unique" dont il s'adresse à sa fille Penelope. La seconde d'après, la petite fille de 9 ans demande à son beau-père pourquoi il tapote sur les jambes de sa mère. Réponse: "Je fais de la batterie sur elle". "Sur ses fesses?" demande l'enfant. "C'est là que ça ferait le plus de bruit", réplique le musicien. La famille éclate de rire.
Même chose quand Kim, au téléphone avec son avocat, tente d'empêcher la diffusion de nouveaux extraits de sa vidéo intime. Bien qu'elle soit au bord d'un nouveau scandale sexuel, rien ne semble ébranler sa légèreté: "Je suis sûre à 99% qu'ils n'ont aucun extrait", assure-t-elle à son conseil. Avant d'ajouter à l'adresse de ses sœurs: "Sauf si on m'a mis un g*** dans le c** pendant mon sommeil!". "On ose espérer que ça t'aurait réveillée", murmure Khloé. Kourtney, visiblement habituée, ne lève même pas les yeux de son portable. L'avocat est toujours sur haut-parleur.
L'aventure continue
Les détracteurs des Kardashian comme leurs fans n'auront aucune raison de changer d'avis après visionnage des Kardashian. Et les amateurs de ce plaisir coupable par excellence n'ont pas fini de voir le clan sur leur petit écran.
Sur le même sujetLes sœurs Kardashian ont évoqué toutes sortes de raisons pour expliquer leur décision de migrer vers le streaming. Les épisodes plus longs, l'authenticité mieux respectée, leur envie de quitter le câble... Mais ce déménagement ne s'est pas fait sans une jolie plus-value, dont le montant exact n'a pas été dévoilé. Le très bien informé Variety évoque "un salaire à neuf chiffres". De quoi prédire de nouvelles aventures télévisuelles pour encore des années.
https://twitter.com/b_pierret Benjamin Pierret Journaliste culture et people BFMTV