On pourrait dire qu’au bout de la troisième fois, on s’était presque habituées. Et pourtant cela fait toujours un drôle d’effet. Dégoût. Effroi. Envie de crier dans un oreiller ou d’écrire rageusement un tweet, aussi vain que cela puisse paraître.
Cette année, il y avait quand même quelque chose d’un peu différent, un espoir, le minuscule ridicule espoir qu’un vote utile pouvait peut-être emmener un candidat de gauche sur la deuxième marche du podium. On se sent un peu bête d’y avoir cru, coincée dans sa bulle médiatique où s’entrechoquent sur les réseaux sociaux les appels au vote utile — parfois par conviction, parfois à contre-cœur — mais qui avaient presque laisser croire que quelque chose de bien, ou de moins pire, pouvait se produire.
Et puis pschitt, 20 heures, la bulle éclate, et ce qu’on présageait apparait bien à l’écran. Emmanuel Macron premier, loin devant, Marine Le Pen quelques points derrière. Ce lundi 11 avril, le deuxième tour est confirmé avec 27,60% voix pour le président sortant et 23,41% pour celle qui l’affrontera pour la deuxième fois.
Face au Rassemblement national, on ne joue plus à se faire peur
Même si je m’y attendais, voir encore Marine Le Pen décrocher sans ambiguïtés sa place au second tour n’en finira jamais de me donner envie de casser des portes. Mieux qu’en 2002, mieux qu’en 2017, avec en prime une dédiabolisation achevée.
Et Emmanuel Macron qui nous annonçait le bec enfariné cette semaine qu’il regrettait de ne pas avoir réussi à endiguer l’extrême-droite. No shit, Sherlock.
Il est loin ce 17% de Le Pen père qui paraissait vertigineux à l’époque, nous voilà 20 ans plus tard, dans la même sauce, mais en pire.
Alors oui, « pas une voix pour l’extrême-droite », a-t-on entendu de tous côtés ce dimanche 10 avril au soir. Forcément.
En 2022, on ne joue plus à se faire peur en imaginant ce Rassemblement national bon teint au pouvoir tant cela pourrait bien se réaliser, et ce malgré le « barrage à l’extrême-droite » qui fonctionne encore, coûte que coûte, même si vu les relents réactionnaires qui émanent de certains ministères — au hasard l’Intérieur ou l’Éducation — on se demande un peu pour quoi, au final.
D’autant que cette fois, Marine Le Pen dispose d’une réserve de voix toutes prêtes dans l’électorat d’Éric Zemmour. Et qu’on peut compter sur elle pour ne pas se laisser bolosser par Emmanuel Macron comme lors du débat d’entre deux tours il y a cinq ans.
Comme il y a 20 ans, comme il y a 5 ans, on a naturellement appelé au barrage républicain, peut-être parce qu’il le faut bien, parce que le RN au pouvoir serait terrible au-delà de nos pires craintes, parce qu’il faut mieux rempiler cinq ans avec Emmanuel Macron que prendre le risque de passer cinq ans avec la pote de Viktor Orban et de Vladimir Poutine au pouvoir.
Ne pas être dupe face à la candidate du Rassemblement national
Marine Le Pen, c’est celle qui nous parlait il n’y a pas si longtemps d’IVG de confort et qui a bien compris que ce discours-là n’est plus tenable. Mais ne nous y trompons pas : c’est aussi celle qui aujourd’hui veut interdire l’espace public aux femmes qui portent le voile. C’est bien son parti qui au niveau local asphyxie les associations LGBTI+.
C’est Marine Le Pen qui nie en bloc les violences policières et évoque même l’idée d’une présomption de légitime défense pour les policiers. C’est celle qui entend miser sur le nucléaire, démanteler les éoliennes et ne propose strictement rien en matière de politique climatique internationale. C’est celle qui ne veut plus qu’on la désigne elle et son parti comme l’extrême droite.
Chez Madmoizelle, on n’a pas fait mystère de notre position vis-à-vis de ses positions et du danger qu’elle représente pour la démocratie, les droits des femmes et des minorités.
Cela nous a menées par exemple à choisir de ne pas inviter de femmes candidates ou représentantes du Rassemblement national ou de Reconquête! lors de nos lives sur Twitch pendant la campagne, un choix que nous avons assumé et que nous revendiquons.
Cela nous a menées aussi à publier ce grand décryptage sur le vote gay du RN pour mettre en lumière sa stratégie en direction des personnes LGBTI+, applicable aussi auprès de l’électorat des femmes.
Deux semaines de cirque pour cinq ans d’enfer
Alors accrochez vos ceintures, c’est parti pour deux semaines intenses, mais n’espérez que cela s’arrête au soir du 24 avril.
D’ailleurs, contrairement à il y a cinq ans, Emmanuel Macron n’a aucune raison d’être très serein à l’approche de ce second tour. Ça tombe bien, nous non plus… mais pour d’autres raisons.
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Crédit photo : Marine Le Pen / Emmanuel Macron