Alors que des pourparlers sont engagés entre Ukrainiens et Russes pour un cessez-le-feu, la situation s'aggrave pourtant entre la Russie et les pays occidentaux. "Le pire est à venir", a même déclaré Emmanuel Macron après un échange ce jeudi avec Vladimir Poutine, lequel lui a fait part de "sa très grande détermination" à poursuivre son offensive, dont le but est, selon l'Elysée, "de prendre le contrôle" de tout le pays. Plus tard dans la journée, l'allocution à la télévision nationale du chef du Kremlin lui donnera raison. Vladimir Poutine a indiqué que "l'opération spéciale" en Ukraine se déroulait selon les plans arrêtés initialement, qu'elle visait à combattre des néonazis pour sauver Russes et Ukrainiens, qui ne forment selon lui "qu'un seul peuple". Et donc qu'elle visait à détruire "l'anti-Russie" créée par l'Occident.
"Tu te racontes des histoires" (Macron à Poutine, selon l'Elysée)
Aux accusations du premier sur les Ukrainiens, le Français "lui a répondu qu'il commettait une erreur grave sur le régime ukrainien", qui "n'est pas nazi". "Tu te racontes des histoires, tu recherches des prétextes", lui a-t-il dit, a rapporté l'Elysée, en l'invitant "à ne pas se mentir".
"Cet entretien a permis de revenir sur les désaccords, de dire la vérité au président Poutine", mais aussi "malheureusement", de constater "sa détermination à poursuivre l'opération militaire jusqu'au bout". "Les Ukrainiens se battent courageusement. Rien n'est acquis mais le rapport de force est très démesuré", a précisé l'Elysée, en soulignant "le pessimisme" d'Emmanuel Macron à l'issue de la discussion.
"Je n'abandonnerai pas la conviction que les Russes et les Ukrainiens sont un seul peuple", a en effet martelé Vladimir Poutine, en saluant le "courage" et l'héroïsme des soldats russes qui "se battent fermement avec une compréhension totale de la justesse de leur cause".
Alors que la Russie a affirmé mercredi que 498 soldats russes avaient été tués et 1.597 autres blessés, le président russe a annoncé des compensations financières aux soldats russes tués ou blessés en Ukraine, mais aussi à ceux qui y sont toujours déployés.
Objectif : reconstruire la sphère d'influence de l'URSS
De son côté, le président ukrainien a appelé jeudi les Occidentaux à accroître leur soutien, martelant que si son pays était défait par la Russie, elle s'attaquerait au reste de l'Europe de l'Est pour arriver "jusqu'au mur de Berlin".
"Si nous disparaissons, que Dieu nous protège, ensuite ce sera la Lettonie, la Lituanie, l'Estonie etc... Jusqu'au mur de Berlin, croyez-moi", a dit Volodymyr Zelensky, estimant que le Kremlin pourrait avoir pour objectif de reconstruire toute la sphère d'influence européenne de l'URSS. Il a aussi appelé les Occidentaux à imposer une zone d'exclusion aérienne au-dessus de son pays.
"Et si vous n'avez pas la force pour fermer le ciel, alors donnez-moi des avions!", s'est-il exclamé lors d'une conférence de presse à Kiev réservée aux médias étrangers.
Le président ukrainien a aussi déclaré être prêt à parler à son homologue russe Vladimir Poutine.
"Ce n'est pas que je veux parler à Poutine, mais je dois parler à Poutine, le monde doit parler à Poutine parce que c'est le seul moyen d'arrêter cette guerre", a-t-il dit, "il faut parler sans conditions, sans rancoeur, comme des hommes".
Mais Volodymyr Zelensky a aussi interpellé son homologue qui a ordonné l'invasion de son pays il y a une semaine: "Tu veux quoi de nous? Pars de notre terre!"
Avant de lancer: "Assieds-toi avec moi à la table de négociations. Mais pas à trente mètres comme avec (Emmanuel) Macron ou (Olaf) Scholz. Je suis un gars normal, je ne mords pas! Assieds-toi avec moi, dis-moi de quoi tu as peur!"
Il se moquait ainsi de la très longue table à laquelle le président russe reçoit ses hôtes russes comme étrangers du fait du protocole sanitaire drastique pour le protéger du Covid-19.
Interrogé sur les pourparlers en cours en Biélorussie entre délégations ukrainienne et russe, il a estimé qu'il y avait "des choses sur lesquelles il faut trouver des compromis pour que les gens cessent de mourir".
"Mais il y a des choses sur lesquelles il est impossible de trouver des compromis. Nous ne pouvons pas tout simplement partir en disant 'oui, ce pays est à vous, l'Ukraine fait partie de la Russie'. C'est impossible. Ce n'est pas la peine de nous le proposer".
Volodymyr Zelensky a malgré tout souligné l'importance d'un dialogue diplomatique.
"Chaque parole est plus importante qu'un tir", a-t-il conclu.
Méfiante et inquiète de la Russie, la Pologne, a annoncé qu'elle consacrera dès l'année prochaine 3% de son PIB au budget de la Défense, contre 2,2% cette année, a annoncé jeudi Jaroslaw Kaczynski, vice-Premier ministre et président du parti conservateur au pouvoir.
Conseil des droits de l'Homme
Par ailleurs, la Russie a essuyé jeudi une longue salve d'attaques lors d'un débat sur la guerre en Ukraine au Conseil des droits de l'Homme, durant lequel l'ONU a assuré que l'élévation de la menace nucléaire mettait en danger l'ensemble de l'humanité.
Après le vote massif de l'Assemblée générale de l'ONU pour exiger de Moscou l'arrêt du conflit, la Russie n'a pu compter que sur de très rares soutiens lors du débat à Genève.
C'est l'Ukraine, qui espère faire adopter à l'issue des discussions vendredi une résolution demandant une enquête internationale sur les atteintes aux droits humains commises par les troupes russes, qui a lancé les premiers assauts.
"Les barbares ne devraient pas avoir et n'ont pas leur place dans l'Alliance des civilisations", a asséné la Première vice-ministre des Affaires étrangères de l'Ukraine, Emine Dzhaparova, dans une allocution vidéo.
Cette guerre se produit uniquement, a-t-elle dit, parce qu'"un groupe de criminels de guerre ayant la bombe nucléaire a décidé que notre peuple était trop faible pour résister et que le monde s'en moquerait".
Kiev a pu compter sur le soutien des capitales occidentales mais également de nombreux autres diplomates qui ont dénoncé le non-respect de la souveraineté territoriale de l'Ukraine par Moscou et la violence exercée contre le peuple ukrainien, ainsi que la menace pour la paix mondiale. L'Ukraine a posé sur la table un projet de résolution appelant "au retrait rapide et vérifiable des troupes russes" sur son territoire, et demandant d'établir d'urgence pour une durée initiale d'un an "une commission d'enquête internationale indépendante". Les enquêteurs seront chargés de "recueillir, rassembler et analyser les éléments de preuve attestant de (...) violations" des droits humains en Ukraine, et d'identifier les responsables de ces violations "afin qu'ils aient à répondre de leurs actes". Seuls un très petit groupe de pays - dont le Venezuela, la Syrie, la Biélorussie et la Chine - ont soutenu Moscou, l'ambassadeur bélarusse Youri Ambrazevitch comparant les débats à une "bouffonnerie politique".
Pékin, par la voix de son ambassadeur Chen Xu, a souligné son attachement au respect de la souveraineté des Etats mais a barré la route à la "politisation des droits humains" et à toute commission d'enquête.
Paris juge par ailleurs "très significative" la décision de la Chine de s'abstenir à l'ONU, où une résolution exigeant l'arrêt "immédiat" de la force contre l'Ukraine, a été adoptée à une écrasante majorité. "Nous sommes intéressés par le fait que la Chine ait proposé sa médiation" et "sommes en contacts avec les responsables" de Pékin, a précisé l'Elysée.
La Russie est ininvestissable
En attendant, une semaine après l'introduction des sanctions occidentales contre l'invasion en Ukraine, la finance russe sent le soufre.
"La Russie est devenue totalement ininvestissable", a reconnu jeudi Vincent Mortier, directeur des investissements du numéro un européen de la gestion d'actifs Amundi, au cours d'une conférence à destination de ses clients. "Il n'y a plus de marché" en Russie, affirme-t-il.
Le déclassement de la dette russe par les agences de notation dans la catégorie des placements spéculatifs a enfoncé le clou des sanctions: Moody's, Fitch et SP Global considèrent désormais que Moscou est susceptible de ne pas pouvoir rembourser sa dette.
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Les agences surveillent une éventuelle aggravation des sanctions occidentales et n'excluent pas d'abaisser encore la note russe. Or, plus cette note sera basse, moins les prêteurs feront confiance au pays et moins celui-ci pourra emprunter de l'argent à des taux d'intérêt raisonnables.
Moscou n'a pas versé mercredi les intérêts dus aux investisseurs étrangers qui détiennent de la dette d'État en rouble, ont rapporté les médias russes, continuant à rémunérer pour l'heure ceux en devises.
Selon les agences de notation, les sanctions contre le système financier russe pourraient non seulement empêcher techniquement le pays de rembourser les échéances qui arrivent à terme dès la mi-mars, mais soulèvent aussi des inquiétudes quant à la bonne volonté du pays de servir sa dette.
Un défaut de paiement de Moscou serait une première depuis 1998.
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LA MOLDAVIE VEUT ENTRER DANS L'UE
La présidente moldave Maia Sandu a annoncé jeudi avoir signé une demande formelle d'adhésion de la Moldavie à l'Union européenne, accélérant un virage pro-occidental de l'ancienne république soviétique huit jours après le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Moscou s'oppose fermement à l'expansion de l'Union européenne et de l'Otan en Europe de l'Est, la Russie y voyant une menace directe pour sa propre sécurité nationale. Maia Sandu, la Premier ministre moldave et le président du Parlement ont tous trois signé la demande d'adhésion de la Moldavie, où pro-Russes et pro-Union européenne se disputent le pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1991. La candidature formelle d'adhésion sera envoyée à Bruxelles dans les prochains jours, a fait savoir Maia Sandu.
latribune.fr9 mn
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