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Adieu le salariat, bonjour l'artisanat ! Ces cadres se mettent à leur compte

Bonjour l'artisanat ! Après de nombreuses années de salariat, certaines dans des grandes entreprises internationales, ces cadres ont récemment repris une entreprise et une activé artisanale.

Le contexte de crise sanitaire a souvent été un déclencheur, une étincelle pour leur passage à l'acte. Deux motivations reviennent : être son propre patron et se faire plaisir.

Après trente ans comme cadre dans un groupe international, Valérie Malfay, s'interrogeait sur ses dix dernières années de vie professionnelle. Il y a un an et demi, elle a repris Art et Encadrement, une entreprise artisanale des Yvelines. « Je voulais être mon propre patron et me faire plaisir ; allier commercial et production, plutôt dans un métier d'artisanat d'art », témoigne cette diplômée de l'ESSEC.

L'encadrement d'art répond à ses critères : s'installer sans investissement important et exercer avec des contraintes physiques acceptables quand on a 50 ans passés. « Lorsque je suis partie en formation, un CAP d'encadrement, j'étais décidée à créer ma propre structure, avec une montée en charge progressive, à un rythme pas forcément soutenu », confie-t-elle. Mais alors qu'elle effectue des stages en atelier, une évidence s'impose : la solitude allait lui peser. De quoi préférer une reprise à une création. « Je ne me voyais pas emmener quelqu'un en partant de 0 », explique-t-elle.

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Repérée sur le site de l'Institut national des Métiers d'art (INMA), la cédante ​est elle-même passée par une reconversion. Elle cherche à vendre depuis un peu plus de six mois et réclame une demi-année de chiffre d'affaires. La banque est prête à suivre. Valérie Malfay pourra même embaucher une consœur de formation.

Un stage dans l'entreprise en question lui permettra de valider son choix, comprendre la clientèle et rencontrer les fournisseurs. « Le premier avantage de la reprise est d'avoir déjà une clientèle, mais ce peut aussi être un inconvénient quand on est novice dans un métier, signale-t-elle. Sa plus grande satisfaction est d'avoir réussi à maintenir l'activité en dépit du coup de frein et des coups d'accélérateurs dans un contexte incertain. « Le sujet maintenant, c'est le développement », conclut Valérie Malfay.

Avant le Covid-19, Stéphane Lucas était de ces cadres supérieurs franciliens qui parcouraient constamment le monde. Avec le premier confinement, ce DG de filiale d'un grand groupe étranger s'est d'un coup retrouvé à résidence. Et « le fait de ne plus être dans les avions m'a ouvert de nouveaux horizons », ironise le quinquagénaire. Résultat : dès l'été 2020, il commence à négocier son départ. Sa réflexion n'est pas complètement nouvelle : en 2017, à la faveur d'un LBO assez fructueux, il s'était laissé aller à imaginer reprendre une affaire.

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« Je me suis toujours dit que ma cible serait un départ en retraite, explique-t-il. La création d'entreprise n'était pas envisageable pour moi ; je craignais de ne pas forcément être meilleur que les autres pour recruter, a fortiori pour une jeune entreprise, et je devais vite gagner de l'argent ». Suivant cette logique, l'ingénieur s'arrête sur les sociétés de chauffage, en B to C « pour faire rentrer du cash rapidement » et exclut d'office la pompe à chaleur, trop disputée.

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Direction le département de la Manche où une résidence secondaire peut lui servir de base arrière. Outre le niveau de structuration de l'entreprise et les outils de gestion, la sélection s'attache à la personnalité du cédant. Ce sera donc Cheminées Fortin, 8 salariés, pour un montant non communiqué. L'ancien DG passe 2 mois et demi dans l'entreprise avant la cession officielle, en novembre 2021.

Stéphane Lucas avait rencontré les salariés en septembre et leur avait expliqué « la même chose qu'aux banquiers », en insistant sur le fait qu'il aurait besoin de tout le monde. Couvert par Pôle Emploi, le nouveau petit patron bénéficie d'une allocation ARE (aide au retour à l'emploi) sur un peu moins de 3 ans. Son épouse est par ailleurs entrée dans l'entreprise et a repris le salaire, assez confortable, de la cédante. Pour Cheminées Fortin, tous les indicateurs sont aujourd'hui au vert.

Issue d'une famille d'artisans, Peggy Croizé se félicite d'« avoir osé et fait confiance à son intuition ». Consultante, puis responsable RH dans une entreprise aéronautique, elle sent qu'elle s'étiole, de remises en question en perte de sens. « J'étais de moins en moins en lien avec le terrain, je passais mon temps à remplir des tableaux Excel et à faire du reporting », raconte-t-elle. En 2017, alors qu'elle n'est pas encore quadra, elle entame sa réflexion et se décide pour un CAP de tapisserie en siège. Après une rupture conventionnelle, elle réussit à faire prendre en charge ses 1.200 heures de formation sur 9 mois.

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Son projet est alors de vendre ses services à des tapissiers, pour les décharger ponctuellement lors de leurs pics de charge. Mais elle effectue un dernier stage dans une structure dont l'un des deux associés se décidera bientôt à lui vendre ses parts. Nous sommes en 2020.

Depuis, elle a divisé son salaire de cadre par 3. Peggy Croizé peut en partie combler la différence grâce à d'anciens placements, mais défend son nouvel équilibre. « Le soir, quand je rentre chez moi, je ne travaille pas. Et quand je me lève à l'aube pour aller installer des rideaux à la Banque de France, je suis heureuse », glisse-t-elle avec une pensée pour ceux qui l'invitaient à « ne pas gâcher la chance d'avoir fait des études, de disposer d'un beau bureau et de détenir un peu de pouvoir ».

L'histoire de Jean-Yves Drevet nuance les précédentes. Cet ancien DRH a tenté l'aventure de la reconversion mais en est revenu. Après près de vingt-cinq ans de carrière dans une grande entreprise, Jean-Yves Drevet répond aux sirènes de la concurrence, mais s'en mord vite les doigts. Le voilà en quête d'un nouvel emploi quand tombe le premier confinement. Et « en juin 2020, les seuls postes qu'on me proposait consistaient à mettre en œuvre des plans sociaux », souligne-t-il. ​Il a 49 ans, un moral plus que vacillant, mais son vieux rêve de cuisine resurgit. « Je me suis dit qu'il fallait que je reparte de 0 et que je me forme », retrace-t-il.

La formation en cuisine dispensée à l'Ecole de Paris des Métiers de la Table (EPMT) dédiée aux adultes est concentrée sur un an et lui permettra de se lancer en alternance, 2 jours à l'école, 3 jours dans un restaurant, indemnisé par Pôle Emploi. « Je suis passé de DRH à éplucheur de légumes et, comme tout le monde, j'acquiesçais les ordres avec des 'oui chef ' », raconte-t-il.

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Dix heures par jour en cuisine, des conditions de travail que l'on sait et la perspective de devoir patienter quelques années avant de devenir chef, alors qu'il vient de fêter ses 50 ans, le conduisent à envisager la reprise d'un restaurant, une fois son CAP en poche.

Mais le deuxième confinement tombe et il lâche l'affaire, pour accepter une mission de management de transition, et finalement redécouvrir avec allégresse son ancien métier. Il assure aujourd'hui une mission de 8 mois « qui a du sens », précise Jean-Yves Drevet.