Concerts et spectacles – Et si la meilleure salle de Genève était à Annemasse?
Entièrement reconstruite, la salle de Château Rouge se dote de l’outil qui manque à Genève: un dispositif modulable de 1500 places, capable d’accueillir les artistes les plus en vue. Ceci à deux pas de la frontière.
Fabrice GottrauxSur la façade, on reconnaît le sigle de Château Rouge en grandes lettres écarlates. Vu de l’extérieur, rien d’ébouriffant a priori. La place en avant du bâtiment nécessiterait un sacré coup de râteau. L’ensemble évoque plutôt un hangar commercial comme il y en a pléthore de ce côté-ci de la frontière. Si c’était un complexe sportif, on y trouverait certainement une piscine municipale. On s’approche. On guigne à travers l’immense baie vitrée du rez-de-chaussée. Dieu, ça donne envie!
Château Rouge, scène conventionnée de la ville d’Annemasse, subventionnée par la Mairie, la région et l’État français, a mis 12 millions d’euros – près de 13 millions de francs suisses – pour reconstruire entièrement sa grande salle de spectacle. Après trois ans de travaux, le résultat est épatant. Pour son retour après le Covid, la nouvelle saison prend du galon. Ceci à deux pas de Genève.
«Désormais, Château Rouge peut accueillir tous types de spectacles.»
Frédéric Tovany, directeur de Château Rouge, scène conventionnée d’AnnemasseMais si ce n’est pas l’esthétique, quel est donc l’atout de ces lieux proches de chez nous? Ses qualités intérieures, pardi! En particulier, la capacité d’accueil du public – jusqu’à 1500 spectateurs dans un dispositif modulable, assis comme dans un théâtre ou en partie debout. Également, la taille de la scène, imbattable concernant une salle de moyen gabarit.
Pourtant, cette jauge reste similaire à la précédente salle. Érigée dans les années 80, modifiée au fil des décennies, celle-ci, bien que polyvalente, n’offrait pourtant pas le confort nécessaire pour coller aux productions d’aujourd’hui. «Désormais, Château Rouge peut accueillir tous type de spectacles», se réjouit son directeur, Frédéric Tovany.
On pénètre dans le foyer. Ici, l’espace alentour offre juste ce qu’il faut d’atmosphère chaleureuse. Sans doute est-ce dû à la lumière a giorno rendue grâce aux baies vitrées. Peut-être est-ce également un effet de cette poussière toujours un peu magique qui flotte sur les constructions à peine achevées. Au fond, des accès qu’on dirait inspirés par les couloirs des pyramides mènent à la salle. Portes rouges, couleur obligée. Les toilettes sont à deux pas, ce qui ne gâche rien. Portes rouges aussi. On lève les yeux. Léger vertige. Deux escaliers suspendus dans le vide se croisent à mi-hauteur. Ils mènent à l’étage vers les gradins.
Depuis les sièges – bois clair pour les dossiers, en accord parfait avec la sobriété générale des aménagements – ou depuis la fosse tout en bas vers l’avant, là où le public devra se tenir debout, la visibilité reste excellente sur les artistes en action. Le jour de la visite, la scène est illuminée, les ingénieurs du son procèdent aux balances. Le groupe français Dionysos est annoncé en vedette de la soirée d’inauguration. Pour juger de l’acoustique, il faudra repasser. Mais le coup d’œil est superbe. On veut venir ici voir sinon un concert, alors de la comédie ou de la danse ou du cirque.
Combien de salles à Genève ont un gabarit similaire? Mettons de côté l’Arena, vouée à des rassemblements autrement populeux, jusqu’à 9500 spectateurs. Que reste-t-il? L’Alhambra a du style mais ne dépasse pas les 1100 places. Le Théâtre du Léman peut réunir 1300 personnes mais uniquement assises, et sa scène reste limitée.
Bonne nouvelle, la Salle des fêtes de Thônex sera de retour pour de bon en 2022 après des travaux de remise à neuf. Un morceau de plafond s’était écroulé il y a deux ans, l’ensemble de la structure présentait des fragilités, comme on dit dans le métier. Le fief de l’organisateur romand Opus One reste un bon concurrent: 1700 places maximum mais un confort rudimentaire – la salle n’est pas modulable et accuse les années. Reste à voir si les travaux lui redonneront du panache.
Pourquoi cette obsession du nombre de spectateurs? Précisément parce que le marché des concerts est tel aujourd’hui qu’une salle doit, pour entrer dans ses frais, bénéficier d’un minimum d’entrées payantes si elle souhaite programmer un artiste en vue. Simple. Or, la limite fatidique se joue autour des 1400 places. Basique.
Autre aspect déterminant, la salle doit pouvoir accueillir n’importe quelle production avec ses contraintes techniques. Avantage alors à Château Rouge: le grill qui permet d’accrocher décors, rideaux et projecteurs atteint une hauteur de 17 mètres. Même distance pour la profondeur, ainsi que 30 mètres de large mur à mur. «Seul le Grand Théâtre de Genève possède un tel dégagement», indique la direction de Château Rouge. Qui peut désormais se permettre d’accrocher à son affiche Woodkid, l’un des spectacles pop les plus courus du moment, particulièrement gourmand en matière de place pour installer son matériel high-tech.
Du haut des gradins de Château Rouge, quand on contemple les scènes régionales – d’Annemasse comme de Genève – c’est bien la première qui l’emporte. D’autant plus que Château Rouge, désormais, est facilement accessible pour le public suisse. Si la gare du Léman Express s’avère un peu loin pour s’imposer comme la bonne solution, le tram 17 en revanche trouve son terminus annemassien à dix minutes à pied seulement de la salle.
Château Rouge, saison 2021-2022, Annemasse, accessible en particulier avec le tram 17
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