Derrière son visage rayonnant se cache une femme à bout de nerfs. Sandrine, 51 ans, a contracté le virus du covid sur son lieu de travail. Elle est infirmière en bloc opératoire au Centre Hospitalier Universitaire de Martinique.
Du jour au lendemain, sa vie a basculé.
J'avais zéro maladie, zéro traitement et je pratique quotidiennement du sport. Mais la covid ne fait pas de tri.
Sandrine, infirmière.
Sandrine prend son petit déjeuner. Flocons d'avoine, fruits secs, lait d'amande. Comme d'habitude. Mais ce jour-là ... une surprise de taille l'attend.
Je me suis couchée la veille avec de l'odorat et du goût et je me suis réveillée avec ... rien. J'ai essayé de trouver du goût au dentifrice, j'ai mangé de la moutarde ... rien. J'ai appelé SOS Médecins, fait le test et posé un arrêt maladie. J'étais positive.
Sandrine, infirmière.
"J'ai eu peur"
Sandrine menait une vie professionnelle très active, passionnée par son métier d'infirmière. Une vie saine autour du sport et d'une alimentation équilibrée.
Ce virus l'a mise à terre. Guérie depuis 4 mois, elle n'a pas retrouvé le goût ni l'odorat. Une véritable pénitence. Une traversée du désert qui affecte son moral et sa santé.
Lorsqu'elle découvre les résultats de son test en ligne sur internet, seule devant son ordinateur, elle vacille. Elle est positive.
Un agent de l'ARS (agence régionale de santé) l'appelle dès le lendemain. Un dimanche. Mise à l'isolement complet, elle annonce la nouvelle à son conjoint. La peur au ventre.
J'ai eu peur lorsque j'ai lu les résultats. J'ai eu peur aussi pour mon conjoint et pour nous deux. Il a pris du recul , ça m'a fait mal mais je me suis tout de même sentie soutenue de loin. Au bout de 3 jours, j'ai appelé mon chef de pôle au CHUM et j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps.
Sandrine, infirmière.
"Je mange pour vivre"
Au bout de 9 jours, Sandrine peut reprendre "sa vie d'avant". Du moins, le croit-elle.
Si elle rechausse ses baskets pour courir à nouveau, respirer à l'air libre, elle ne retrouve pas son goût ni son odorat.
6 mois après avoir été guérie, je n'ai pas retrouvé mon goût ni mon odorat. Aujourd'hui je mange pour vivre. Mon conjoint me fait des jus locaux. Il n'y a que la pastèque qui passe. Les autres sont fades, sans goût. Le moral commence à être atteint.
Sandrine, infirmière.
"Il faut le vivre pour le croire"
Sandrine n'avait pas conscience de l'importance de ces deux sens-là.
J'adore la pomme-cannelle chocolat mais aucun goût. Il faut le vivre pour le croire. Je ne pensais pas qu'un virus pouvait faire ces dégâts-là. Et pourtant je suis infirmière.
Elle part rejoindre ses parents en France en avril dernier.
Mes parents voulaient me faire plaisir mais je sentais tous les regards rivés sur mes réactions à table. Je prenais quand même un semblant de saveur lointaine sauf pour les épices. C'était encourageant.
"Une odeur dans ma bouche"
Un autre symptôme apparaît. Après l'anosmie (perte du goût et de l'odorat) vient la cacosmie. Un trouble définit par la perception d'odeurs désagréables ou fétides sans qu'il n'y ait d'odeurs de ce type dans l'environnement extérieur du patient et sans dysfonctionnement de son système olfactif.
Une odeur horrible dans ma bouche. Insupportable. Pour l'effacer, je fais un bain de bouche mentholée mais l'odeur persiste. ça sent mauvais. C'est horrible.
©ColPriLe covid long
Lasse, Sandrine refait un test pour vérifier si elle est atteinte à nouveau de la covid. Les résultats sont négatifs. Mais les médecins diagnostiquent un covid long.
Elle n'a plus la covid mais en garde les symptômes, l'anosmie et la cacosmie.
De retour à son travail, elle s'isole peu à peu. Les odeurs de repas de ses collègues lui sont insupportables. Dans la salle d'opération, les odeurs lui sont nauséabondes. Elle a envie de vomir.
J'avais l'impression que personne ne me prenait au sérieux. Que personne ne m'écoutait alors j'ai pété les plombs. Moi qui soigne les patients, je me sentais incomprise.
Un infectiologue du CHUM lui conseille un ORL. Elle passe une IRM (imagerie par résonance magnétique) cérébrale puis entreprend une rééducation olfactive à l'hôpital Mangot-Vulcin.
Reprogrammer le cerveau
Avec son petit flacon d'huile essentielle de lavande en main qui l'aide à faire fuir les mauvaises odeurs ressenties. Sandrine s'explique.
Ces mauvaises odeurs sont activées par toutes les cuissons et les plats réchauffés. L'odeur du café m'est insupportable ainsi que l'odeur de cigarette. Je dois manger dans une pièce sans odeur et le rééducateur des sens m'a conseillé de parler à mes aliments. Il faut que le cerveau comprenne, que les cellules du cerveau se régénèrent. Je sens tout ce que je mets en bouche. Le processus est long mais c'est la seule rééducation que je connaisse.
Un entourage solidaire
Sandrine a repris son travail à plein temps mais ne peut plus assurer pour le moment toutes les astreintes au CHUM.
Mes collègues sont compréhensifs et solidaires et se partagent les astreintes que je ne peux pas assurer. Lorsque nous sommes au bloc et que je ne me sens pas bien, je fais signe à mes collègues pour qu'elles mettent un petit peu d'huile essentielle de lavande sur mon masque.
Elle conseille encore plus à la population de respecter les gestes barrières et de porter un masque. Dans l'attente d'être guérie, elle affiche son tempérament de battante.
Ce virus n'est pas anodin mais je suis une battante. Et puis j'ai un rêve de gourmande, savourer une tarte aux fraises lorsque mes sens seront revenus.
Cette perte de goût et d'odorat toucherait un million de Français victimes après avoir été guéris du covid.
À Montpellier, une clinique détecte et prend en charge le "covid long". Une première en France.
La clinique Clémentville de Montpellier détecte et prend en charge les patients atteints de "Covid long" après un bilan complet effectué en quelques heures.