C’est reparti pour un tour… Contre toute attente, Suicide Squad divise autant que Batman v Superman : L’aube de la justice. Derrière la justesse de certaines critiques, il y en aura d’autres, forcément trop nombreuses, qui paraîtront injustifiées aux yeux de ceux qui ont apprécié le film. Ce n’est pas toujours facile à gérer. Pour commencer, il faut reconnaître une chose à Warner Bros. Pictures : ils savent prendre des risques. Dégainer un blockbuster avec une équipe de super-vilains, alors que leur univers est en pleine construction, il fallait oser ! Un pari salutaire pour l’avenir du genre ?
En terme d’apport mythologique, Suicide Squad est une réussite. Le long métrage de David Ayer repousse les limites de l’Univers Cinématographique DC Comics avec l’introduction de nouveaux personnages, de lieux emblématiques et de concepts qui ne demandent qu’à être revisités. Plus que jamais, la richesse de l’univers DC Comics est là, sous nos yeux, sans les béquilles que sont Batman et Superman. C’est l’une des rares joies du film. La première heure, gigantesque introduction, est accrocheuse. La suite, qui se résume à une longue scène d’action, est globalement terne et répétitive.
Le plus grand défaut de Suicide Squad, c’est sa brillante campagne promotionnelle. L’énergie et la folie des dernières bandes annonces ne se retrouvent pas à l’écran. Avec ces personnages, David Ayer avait pourtant de l’or entre les mains. L’enchaînement mécanique de morceaux pop – comme dans Les Gardiens de la Galaxie – essaye d’insuffler un semblant de cool attitude et de rythme au long métrage. Mais arrivé à la moitié de la playlist, force est de constater que le procédé est complètement artificiel (laissons Steven Price s’exprimer, sa partition capte l’oreille !). Pour ne rien arranger, le montage est chaotique, avec une multitude de flashbacks et de scènes en doublon, ce qui casse la fluidité du récit.
Qui trop embrasse, mal étreint… C’est peut-être, à ce jour, le proverbe qui résume le mieux l’Univers Cinématographique DC Comics. Suicide Squad aligne une Task Force X composée de huit personnages. Nous passons à onze en comptant Amanda Waller, le Joker et l’Enchanteresse. C’est trop. Impossible de développer tout ce petit monde en l’espace de deux heures ; car contrairement à un Captain America : Civil War, nous avons affaire à des ‘héros’ inédits. On comprend l’envie du réalisateur de présenter au public Slipknot, Katana, Killer Croc… Mais au final, quel est l’intérêt s’ils ne font que de la figuration ? Cela s’expliquerait si [une bonne partie du groupe était sacrifiée], mais ce n’est même pas le cas. En revanche, on appréciera la radicalité du casting proposé : un vrai tueur à gages, un vrai voleur, un vrai cannibale, etc… Avec Suicide Squad, sur ce point-là, pas de demi-mesure.
C’est maintenant l’heure de la revue des troupes. Commençons par la tête. Viola Davis est parfaite en Amanda Waller. Elle se devait d’être la femme la plus menaçante du film. Elle l’est ! La Directrice de l’A.R.G.U.S. mérite une plus grande place dans l’Univers Cinématographique DC Comics. Sous ses ordres, Rick Flag. Joel Kinnaman est l’une des bonnes surprises de Suicide Squad. Il incarne le seul personnage ‘normal’ du blockbuster, le seul auquel on peut réellement s’identifier. Flag a juste son courage et une arme pour survivre dans ce monde de fous. Loin d’être effacé, ce soldat s’en tire avec les honneurs, sauf à la fin.
Deadshot… Difficile de ne pas voir Will Smith derrière ce Floyd Lawton, surtout quand il hérite des scènes les plus clichées du film. Heureusement, la meilleure gâchette de la Distinguée Concurrence est suffisamment développée pour s’attirer la sympathie du public. A ses côtés, l’inénarrable Captain Boomerang. Jai Courtney est considéré par beaucoup comme fade et légèrement antipathique. Il est donc… la personne idéale pour porter le manteau de George ‘Digger’ Harkness ! Très bon choix. Dommage que ses capacités soient si peu exploitées. Enfin, El Diablo est le second couteau le mieux développé du long métrage. Notamment parce qu’il bénéficie d’un vrai moment poétique.
Ouvrons le dossier Harley Quinn. Le personnage le plus difficile à gérer. En équilibre, toujours sur la corde raide. A chacune de ses répliques, il y a le risque que Suicide Squad bascule dans le ridicule. Ce n’est – la plupart du temps – pas le cas, grâce à la maîtrise de Margot Robbie. Mais sur ce point, il faut avouer que c’est extrêmement subjectif (et dépendant de votre vision du film, en VF ou en VO ?). Ce qui risque de faire débat, c’est surtout la relation qu’elle entretient avec le Joker. L’un des aspects de cette relation – le plus essentiel, le plus polémique – a été purement et simplement coupé au montage. A suivre dans l’inévitable spin-off qui lui sera consacré ?
Passons au Joker, personnage utile au passé, inutile au présent. L’ombre de Heath Ledger plane sur Jared Leto. Forcément. Mais la comparaison n’a pas lieu d’être. Il n’y a pas un, mais au moins trois Joker. Le Clown (Jack Nicholson). Le Gangster (Heath Ledger). Le Psychopathe (Jared Leto). Le personnage incarné par le chanteur de Thirty Seconds to Mars est flippant à souhait, c’est tout ce qu’on lui demande. Sa composition est intense et cela se ressent (il faudrait juste qu’il se calme avec les grognements !). Au final, le plus gros problème, c’est son temps de présence à l’écran. La Warner a survendu le rôle de Mister J, alors qu’il n’apparaît qu’une petite dizaine de minutes. Pire, certaines de ses scènes ont été coupées. Il n’y a donc plus qu’à attendre… un Joker Cut ?
Un conseil, si vous avez le choix, n’allez pas voir Suicide Squad en 3D. La super-équipe opère de nuit. Or, comme tout le monde le sait, les lunettes 3D assombrissent l’image, gâchant la lisibilité de ce qui se passe à l’écran. A ce propos, les scènes d’action sont loin d’être mémorables. Aucune originalité, aucun moment de bravoure digne de ce nom. La faute, en partie, à des ennemis interchangeables, sur fond de portail-avec-un-rayon-bleu-qui-déchire-le-ciel. Encore un. La Maison des Idées n’a pas fait mieux avec ses Chitauris et ses Ultron-Bots… mais au moins, le troisième acte avait la politesse de ne pas empiéter sur le deuxième.
Quelques remarques, pêle-mêle : les scènes coupées sont nombreuses, ce qui ne manquera pas de relancer le débat sur le premier montage du film, avant les reshoots ; le caméo de vous-savez-qui fera sourire les fans, [mais restera incompréhensible aux yeux du grand public, car trop furtif] ; le générique de fin, avec ‘Heathens’ du groupe twenty one pilots, est réussi ; et la scène post-générique, bien que prévisible, renforce la cohérence du DCEU naissant. Une petite question sur la mission de laJustice League Dark, Suicide Squad : leur objectif était de [récupérer le ‘colis’ ; mais du coup, qu’avait prévu le gouvernement pour contrer la menace] ? Rien ? Attendre novembre prochain, le temps que Bruce Wayne forme la Justice League ?
Au final, Suicide Squad, c’était… bien. Sans plus et sans émotions. Le film fonctionne grâce à ses personnages. C’est le principal. Je m’excuse de dire ça, mais on en arrive au point où la campagne promotionnelle et le ‘drama’ autour de la sortie sont plus fascinants à suivre que les films eux-mêmes. C’est toujours mieux que l’indifférence, celle dont a été victime un X-Men : Apocalypse. Mais c’est la seconde fois cette année que la situation se produit. Il serait peut-être temps que cela cesse. Les fondations pour bâtir un Univers Cinématographique DC Comics au succès durable paraissent de plus en plus fragiles. On ne peut donc souhaiter qu’une chose pour Wonder Woman et Justice League : un peu de simplicité, faire moins, mais faire mieux. Pour conclure, allez voir Suicide Squad. Faites-vous votre propre avis. C’est le seul qui compte !
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Suicide Squad est réalisé par David Ayer et sort en France le 3 août 2016, avec Joel Kinnaman (Rick Flag), Will Smith (Deadshot), Margot Robbie (Harley Quinn), Jai Courtney (Boomerang), Cara Delevingne (l’Enchanteresse), Jay Hernandez (El Diablo), Adewale Akinnuoye-Agbaje (Killer Croc), Karen Fukuhara (Katana), Adam Beach (Slipknot), Viola Davis (Amanda Waller) et Jared Leto (le Joker).