Était-il rancunier Omar ? Il ne pouvait oublier cette scène, à l’aube, chez Abou Bakr ; l’air conquérant, tout en arrogance, Ibn Al Walid venait d’avoir gain de cause auprès du calife. Entre de valeureux guerriers, au physique proche de surcroît, les gestes les plus anodins ont leur importance ; ceux de défi sont explosifs.
Par Farhat Oyhman
Du temps de la Jahiliya, ces Temps obscurs – ainsi nommait-on la période anté-islamique de l’histoire arabe – l’un et l’autre étaient connus pour leur bravoure. Et si le ralliement d’Omar à la cause de l’Islam fût célébré comme une victoire par ses adeptes encore peu nombreux, Ibn Al Walid sut faire montre de son génie et de son savoir-faire militaire avant même sa conversion en remportant Ouhod, la seule bataille gagnée par Qoraïch aux dépens du prophète.
Cette bataille a dû laisser des séquelles dans l’inconscient d’Omar. Le prophète y fut blessé et son oncle Hamza y trouva la mort; éventré et mutilé, il eut même le foie arraché et à pleines dents mordu par Hind qui était encore la femme d’Abou Soufiane, chef de Qoraïch et père de Mouawiya, futur gouverneur à Damas.
Mais ce qui devait faire le plus de mal à Omar, c’était son propre comportement en cette journée néfaste. Nombre de musulmans périrent et le peu de survivants agirent en couards, pensant à sauver leur vie, se cachant dans les dunes, abandonnant à son sort leur prophète, lèvre fendue et front en sang. Ni lui ni Abou Bakr ne surent lui éviter ce calvaire.
Inconsciemment, il ne s’était jamais pardonné cette honte ; il avait une forte envie d’en punir le responsable ; et c’était l’artisan de la victoire de Qoraïch qui concentrait tout son ressentiment : Khalid Ibn Al Walid, cet homme physiquement si semblable à lui, mais moralement si dissemblable.
La conscience d’Omar ne pouvait cependant suivre ses impulsions sans des faits avérés et réfléchis, déliés de tout penchant personnel ou inconscient. À ses yeux, comme une obsession, il avait le parcours de ce guerrier, certes toujours valeureux, mais devenu encore plus cruel.
Sur chacun de ses passages coulait le sang ; les têtes dégringolaient aux pieds de troncs humains brûlés et remplaçaient, sous les marmites, les pierres comme points d’appui ; les palmiers s’ornaient de corps crucifiés et les piétailles de ses armées grossissaient de femmes et d’enfants en capture.
Ses victimes n’étaient pas toutes païennes ou ennemies de l’islam et des sanctuaires comme les couvents et des catégories de personnes protégées, comme les prêtres ou les enfants, n’échappaient pas au zèle de ses hommes au vu et au su de leur chef, si ce n’était avec son assentiment et sous ses ordres. Déjà, du vivant du prophète, Khalid ne se privait pas d’excès ; envoyé pour prêcher, il ne se retenait pas de tuer, amenant le prophète à déplorer ses actes, à les réparer, à s’en déclarer même dégagé devant Dieu.
Omar avait une mémoire d’éléphant; il n’oubliait rien, surtout ce qui avait trait au prestige de vicariat et aux devoirs des chefs, et ce aussi bien en gestion publique qu’en préceptes moraux ou en conduite publique. Ainsi, ne pardonna-t-il pas à un ponte de Qoraïch une répartie jugée attentatoire à la dignité de la fonction califale.
C’était encore la période de résistance passive au choix d’Abou Bakr. Un mois après le décès du prophète, le gouverneur du Yémen Khalid Ibn Saïd Ibn Al ’Ass était de passage à Médine. En présence d’Omar et du calife, il eut l’indélicatesse de reprocher à Ali et à Othmane, les deux descendants d’AbdManaf, ascendant du prophète, de se désintéresser d’un pouvoir, censé être leur chose propre, et abandonné à autrui.
Cela mit dans tous ses états Omar. Aussi, fidèle à des mœurs frustes qu’il revendiquait volontiers, il appela à lui ses gens, les lâchant sur l’impertinent. Et la soutane de brocart que celui-ci portait fut aussitôt mise en pièces aux cris d’Omar : — Déchirez-la sur lui ! Comment ose-t-il porter de la soie ? Elle est délaissée par nos hommes même en temps de paix !
La soutane en charpie, Khalid Ibn Saïd Ibn Al ’Ass était honteux, mais toujours provocateur, interpellant en vain les cousins AbdManaf : — Ainsi vous dépossède-t-on par la force !
Ali, eut beau chercher à le calmer, il n’en continuait pas moins à exprimer une vive rancœur : — S’agit-il de combat ou de vicariat ? S’interrogea inutilement Ali.
— Personne n’est mieux placé que vous pour se charger de cette affaire, clamait-il, s’attirant de sévères réparties d’Omar et s’assurant durablement son inimitié.
— Comme tu parles mal ! Par Dieu, seul un menteur débite ce genre de propos et de ce fait ne fait que se nuire à lui-même.
Usant de sa magnanimité habituelle, demeurant impassible à ce genre d’incidents, Abou Bakr ne voulut pas tenir rigueur à Ibn Al ’Ass de sa sortie en lui faisant confiance lors des guerres d’apostasie, le nommant à la tête d’une armée. Mais Omar n’arrêtant pas de dénigrer l’homme, il finit par céder, revenant sur une décision le désignant à la tête du premier corps d’armée envoyé en Syrie au début de l’année 13 hégirienne, confiant finalement cette charge à Yazid Ibn Abi Soufiane.
À Khalid Ibn Al Walid, non plus, Omar ne pouvait pardonner ses excès malgré ses succès multiples l’auréolant d’un plus grand prestige. Celui-ci était proportionnel à ses victoires et le comportement rapporté de l’homme à ces occasions allait au-delà de toutes les limites raisonnables.
Lors du siège de Damas, au lendemain de la victoire d’AlYarmouk, alors qu’il n’était plus le commandant en chef des armées de Syrie, il osa se comporter comme s’il l’était toujours, se permettant d’écorner l’autorité de son remplaçant, éclaboussant par la même le prestige de l’islam.
Abou Obeïda avait conclu avec les assiégés un traité de reddition et se faisait ouvrir les portes de la forteresse quand, au même moment, Khalid forçait les portes orientales et se lançait avec ses hommes dans la ville, tuant, pillant. Il ne se soucia ni de l’image des armées arabes ni de l’autorité du général en chef avec lequel il se permit le luxe d’une altercation avant de finir par lui céder et accepter de lui obéir.
Le premier courrier que le nouveau calife rédigea fut à l’intention des armées de Syrie. À Abou Obeïda, il écrivit qu’il lui donnait le commandement en lieu et place de Khalid. Mais, consciencieux et soucieux de ne pas laisser ses propres sentiments déborder son sens aigu de la justice, il entoura cette décision d’une condition stricte : que Khalid ne reconnaisse pas ses torts et ne fasse pas amende honorable, sinon il garderait ses prérogatives. Il le savait trop orgueilleux et trop fier pour accepter de se déjuger, reconnaître avoir osé mentir, mal agir.
Mis par le nouveau commandant des armées devant la nécessité du choix, Khalid hésita un moment et sollicita un temps de réflexion, la nuit pouvant porter conseil. Omar avait bien scénarisé sa vengeance ; il ne laissait le choix qu’en apparence, sachant pertinemment qu’on ne saurait se plier à pareille injonction, accepter de reconnaître publiquement ses torts pour garder le commandement, commenta la sœur de Khalid, consultée en la matière. Elle était même catégorique : — Par Dieu, Omar ne t’aime point ! Il ne cherche qu’à te faire te démentir pour t’enlever quand même le commandement.
À la pertinence de son jugement, son frère acquiesça en l’embrassant sur la tête ; oui, elle avait raison ! Face à ses pairs et à ses soldats, au risque de subir devant eux la pire des humiliations, il ne se déjugera pas. Car dans sa soif de justice s’alimentant aux sources d’une vengeance inconsciente, Omar avait minutieusement prévu le protocole de dégradation.
Amis, rivaux et compagnons des armées de Syrie étaient tous réunis sous la tente du nouveau commandant ! En maître de cérémonie officiait le premier muezzin de l’Islam, Bilal, esclave affranchi d’Abou Bakr qui l’avait racheté à ses anciens maîtres pour le soustraire à son martyre. Il semblait plus zélé encore que le général en chef à appliquer les consignes d’Omar. Avait-il lui aussi à se libérer de quelque chose sur la conscience ? Regretta-t-il le présent reçu alors qu’il était le chambellan d’Abou Bakr, l’assimilant finalement à de la corruption ?
Dans le lourd silence régnant sous la tente, d’une voix se voulant impassible et neutre, Bilal demanda à Abou Obeïda le rappel des ordres du nouveau calife : — Que t’a-t-on ordonné concernant Khalid ?
— On m’a ordonné de mettre bas son turban et de partager avec lui tous ses biens.
Et Khalid s’exécuta, lui abandonnant la moitié de ce qu’il portait, jusqu’à la paire des chaussures. Plus tard, lorsqu’il rejoindra Médine, à chaque rencontre, il se fera houspiller par Omar : — Khalid, sors les biens de Dieu de sous ton cul !
Il aura beau protester ne rien avoir, il n’aura la paix que lorsqu’il se sera décidé à proposer une transaction au calife.
— Prince des croyants, finira-t-il par lui demander un jour, estimes-tu ce que j’ai gagné durant ton règne à quarante mille dirhams ?
— J’accepte de t’estimer cela à cette somme, répondra Omar, ayant décidé d’être finalement conciliant.
— Elle est à toi, proposera Khalid.
— Je la prends, conclura Omar, mettant un terme au différend, considérant satisfaite sa soif de justice.
On fera le décompte des biens d’Ibn AlWalid qui était moins pourvu en argent qu’en esclaves ; on obtiendra la somme de quatre-vingt mille dirhams dont Omar prélèvera la moitié qui sera versée au Trésor. Quand on suggérera un peu plus tard à Omar de rendre ses biens à Khalid, il répondra : — Je ne suis que le commerçant des musulmans. Par Dieu, il ne les reprendra jamais !
Sa dette ainsi réglée, libéré de ce carcan, le guerrier Ibn AlWalid ne demeurera pas moins loin des champs de bataille. Il aurait eu cependant la satisfaction de la reconnaissance de sa valeur guerrière par Omar après la bataille de Qinnisrine, en Syrie. Remportée de la meilleure manière grâce à lui mais pour le compte du chef des armées Abou Obeïda, elle amena le calife à déclarer publiquement, lui rendant justice : — Dieu ait pitié d’Abou Bakr ; il était bien meilleur connaisseur des hommes que moi ! Dieu m’est témoin, je ne l’ai pas démis par suspicion, mais bien de peur que la gloire ne lui tourne la tête.
Né à La Mecque vers l’an 25 avant l’Hégire, Khalid décédera à Médine en 642 à l’orée de la quarantaine; ses hauts faits d’armes l’auraient trop tôt usé, à moins que ses démêlés avec Omar ne l’aient miné, comme les soucis sapent la santé à l’endetté du mercanti.
Se voulant commerçant de la communauté dont il était responsable, sans malhonnêteté, mais volontiers profiteur pour la cause religieuse, Omar était comme la plupart de ses compatriotes de Qoraïch, un commerçant à l’origine. Tout comme son prédécesseur, il abandonna son ancienne activité pour se consacrer aux affaires publiques.
Il n’était pas dupe des faiblesses humaines. Il se targua même de n’être ni perfide ni susceptible d’être dupé par un quelconque perfide. Aussi était-il convaincu que les guerriers de l’islam demeuraient des hommes et n’agissaient pas seulement au nom des principes et des hautes valeurs de leur religion, bien qu’ils fussent lancés à travers les vastes contrées entourant l’Arabie pour étendre les dimensions de la terre d’Allah, la maison de l’Islam.
Il savait aussi qu’ils ne sauraient trop longtemps résister au luxe et à son corollaire, la luxure. Autour de lui, il le visualisait au jour le jour et n’avait de cesse de lutter contre. Chez nombre de ses compatriotes et coreligionnaires, l’avidité l’emportait de plus en plus sur le sentiment religieux ; la foi n’était plus ce qu’elle était ; on se combattait de moins en moins pour Dieu et pour l’au-delà, mais bien davantage pour un paradis sur terre.
En Mésopotamie, comme en Syrie, en Égypte et jusqu’en Afrique du Nord où l’on atteignit Barka et la Cyrénaïque, les conquêtes au nom de l’Islam s’enchaînaient, en effet. L’affaiblissement des Perses et des Byzantins au sortir de leurs guerres incessantes, leurs divisions internes et leurs luttes intestines, permirent aux Arabes musulmans de marquer d’éclatants succès malgré quelques rares défaites.
Outre leur foi nouvelle et leur vaillance si réputée, ils purent compter sur les sentiments d’hostilité animant les populations sous domination des empires perse et byzantin ainsi que sur l’esprit de solidarité ethnique de nombre d’Arabes non musulmans.
L’invitation du calife à se lancer à l’assaut de ces lions – comme les anciens Arabes les qualifiaient – était sans appel et généralisée, s’imposant de gré ou de force à tout musulman en mesure de combattre. À ceux qui cherchaient à s’y soustraire, on enlevait publiquement le turban et on les livrait à la réprobation générale.
Or, après avoir assaini la situation dans les armées en Syrie, Omar voulut lever de nouvelles troupes pour la Mésopotamie afin d’y appuyer l’effort de guerre ; il constata alors qu’il lui fallait plus de temps qu’avant pour réunir des troupes. Si, dans la perspective de rejoindre les armées se dirigeant en Syrie, les volontaires accouraient, ils traînaient les pieds en apprenant qu’on les appelait à rallier les troupes de Mésopotamie. On surestimait la puissance des Perses et on les redoutait davantage que les Byzantins, dont le pays leur semblait plus prospère, recelant davantage de richesses à glaner.
À Médine, désormais, affluaient des richesses de toutes sortes, de l’or, de l’argent, des esclaves de tous âges et sexes et des animaux dans le cadre du cinquième légal réservé au Trésor et prélevé sur ce qui était partagé sur place entre les soldats et leurs chefs. À la tentation cédaient certains chefs militaires, à l’exemple d’Ibn AlWalid ou Amr Ibn Al ‘Ass.
Omar eut ainsi à s’en prendre à ce dernier qui, soumettant l’Égypte, voulut se l’approprier. Après avoir investi, à l’issue d’un siège de plus d’un mois, la ville d’Al Farma avec l’aide des Coptes égyptiens révoltés contre les Byzantins qui les maltraitaient, Ibn Al‘Ass fit chuter successivement Belbiss, Migdol, Oum Dannine et enfin Aïn Chams à partir de laquelle – une fois devenue siège du commandement arabe – se décida le siège et la prise ultérieurs de Bablioun et d’Alexandrie.
En conquérant du pays, Amr s’y arrogeait tous les droits du maître. Il y fondera Foustat, en fera la capitale de la province d’Égypte et réussira, presque sans discontinuité, à en être le gouverneur jusqu’à sa mort. Percevant les secrètes ambitions nourries par l’homme, Omar le surveilla de près, notamment quant à ses devoirs eu égard à l’impôt ; souvent, il ne manqua pas de le rappeler à l’ordre. Chaque fois qu’il tardait à lui envoyer ses rentrées, recourant à divers prétextes, il ne manquait pas de lui écrire des missives de rappel : — Je m’étonne de trop t’écrire à propos de tes retards à me faire parvenir les rentrées des impôts ainsi que de tes écrits se limitant aux sujets secondaires. Je ne t’avais pas envoyé en Égypte pour que tu en fasses ton butin ou celui des tiens, mais pour veiller aux rentrées fiscales et pour bien gérer le pays. Aussi, dès l’arrivée de ce courrier, dépêche-toi de me porter tes rentrées fiscales qui sont la propriété des musulmans. Tu sais bien que je suis entouré de gens en difficulté et qui en ont le plus grand besoin.
Enturbanné, portant sur les épaules un manteau de coton raccommodé d’une dizaine de pièces en cuir et en coton, son inséparable badine à la main, Omar était sur sa chamelle rouge bardée d’un grand sac sur chaque flanc avec une outre d’eau sur la selle et une gamelle à provisions derrière lui ; un bédouin à pied tenait la bride de l’animal et, derrière, suivaient des guerriers farouches à l’aspect aussi rude.
Ainsi avança-t-il vers Jérusalem (Ilya) où il fut amené à se rendre pour signer en personne le traité de capitulation selon les termes de l’accord obtenu par ses troupes pour se faire livrer la ville sans combat.
Quand il vit l’escorte venue l’accueillir, il ne crut pas ses yeux ; les princes et les chefs des troupes étaient revêtus de brocart et de soie, et les selles de leurs montures étaient en argent. Seul leur commandant en chef, Abou Obeïda, montait une chamelle dont la bride était en poil et n’avait sur lui qu’un manteau de coton. Fou de colère, promptement, il mit pied à terre et, ramassant par poignées terre et cailloux, il les leur jeta dessus, en criant à tue-tête : — Combien vous êtes rapides à changer de peau ! Et vous osez m’accueillir en pareille tenue ? Depuis deux ans à peine, vous avez mangé à votre faim, et vous voilà victimes de la gloutonnerie !
Sa colère ne retomba quelque peu que quand on lui assura que ces hommes portaient bien des armures et des armes en dessous du brocart.
Il se départit à peine de sa mauvaise humeur pour rendre la pareille au patriarche de la ville conquise, Sophronios, son magistrat suprême, qui lui fit un accueil digne de son rang, allant même jusqu’à se permettre de lui offrir un manteau neuf qu’il eut l’orgueil de refuser.
Pour lui faire évacuer sa mauvaise humeur, les chefs de ses armées essayèrent de l’occuper par le projet d’une mosquée dans la ville devant porter son nom. Ils lui en firent tracer l’abside après la prière du vendredi du cinquième jour de son entrée dans la ville ; mais ceci ne lui fit pas perdre sa lucidité sur l’état d’esprit des membres de sa communauté.
Visitant avec le patriarche de la ville le site d’où le prophète fit son voyage céleste, découvrant les lieux saints chrétiens de la ville, il se trouvait dans l’église du Saint-Sépulcre quand arriva l’heure de la prière. À son hôte qui l’invitait à s’en acquitter sur place, il confia qu’il préférait dérouler le tapis en dehors de l’enceinte religieuse et ce de crainte que, plus tard, on en vienne à réclamer pour l’islam cet endroit au prétexte de cette prière.
Tout le long de ses dix jours de séjour, il n’arrêta pas de pester contre le dérèglement des mœurs de ses sujets. Même la nouvelle de la victoire d’Al Qadissya, qui lui parvint à Jérusalem, ne réussit qu’à peine à dérider les traits clairs de son visage légèrement hâlé ; ses yeux rougis étaient encore plus incandescents, ses joues aux poils clairsemés avaient en permanence des rictus et ses vertèbres, bien développées pourtant, semblaient écrasées par une invisible charge.
Durant son califat et dans la mesure du possible, Omar s’évertua à réprimer les penchants de ses sujets. Croyant à la vertu de l’exemple, il alla jusqu’à interdire aux Compagnons du prophète de quitter Médine pour s’installer dans les propriétés acquises sur les terres gagnées aux ennemis. Pourtant, il savait son combat voué à l’échec ; pouvait-il contenir trop longtemps une propension irrésistible incrustée dans la nature humaine ?
Petit à petit, la société arabe changeait ; imperceptiblement, l’État musulman naissait dans l’opulence et ses règles, ses contraintes devaient composer fatalement avec elle et ses excès. Omar contribua pour beaucoup à cette naissance ; il en fut même l’artisan ; mais il savait pertinemment qu’il n’en maîtriserait pas trop longtemps les implications.
À suivre…
«Aux origines de l’islam. Succession du prophète, Ombres et lumières», roman de Farhat Othman, éd. Afrique Orient, Casablanca, Maroc.
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