Le Cavallino de Ferrari s'est redressé. En berne depuis deux saisons, la Scuderia est en pleine résurrection en ce début de championnat, qui fera escale à Melbourne ce week-end. Après deux courses, elle occupe largement la tête du classement des constructeurs et Charles Leclerc trône au sommet des pilotes. Bien née, la F1-75 a largement profité du changement de réglementation instauré en 2022 pour revenir au centre du jeu.
"L'ADN de Ferrari est de gagner", martèle le team principal de l'écurie Mattia Binotto à qui veut l'entendre. Arrivé en janvier 2019 aux commandes de la Scuderia, l'Italien a très vite compris que l'écurie de Maranello avait un statut à part dans le monde de la F1. Selon les résultats du dimanche, le Rouge n'a pas la même signification. Rouge de bonheur quand ça sourit. Rouge de honte quand les F1 italiennes se prennent les pieds dans le tapis.
Avec trois succès et 18 podiums l'année de son intronisation, le patron de Ferrari était sur une pente ascendante. Un an plus tard, il rasait les murs après avoir terminé 6e au classement des constructeurs, sa plus mauvaise place depuis 1980. Dans cette course effrénée au développement derrière les intouchables Mercedes, l'équipe était allée trop loin dans l'interprétation des règles.
Deux ans pour se reconstruire
Dans l'œil du cyclone de la FIA et des autres écuries, la Scuderia élabore un système ingénieux pour survitaminer le moteur italien. Un accord secret signé entre la Fédération internationale et le Cheval Cabré aboutira à la mise en conformité des Ferrari et, sur la piste, à la perte de plus de cinquante chevaux sur le moteur Mercedes. Un boulet à traîner pour les Rouges autant que sa SF1000 ratée. C'est au cœur de cette saison cauchemardesque que l'écurie italienne décide de débuter sa mission reconquête.
Quitte à se traîner en milieu de peloton sans aucune chance de rattraper la concurrence et subir quelques humiliations, autant lancer directement son bureau d'étude sur le nouveau règlement censé révolutionner la F1 à partir de 2021, et finalement reporté en 2022. Avec l'apparition de la pandémie de Covid-19, ce sont deux saisons que Ferrari a eu pour peaufiner son retour. Pour reconquérir un titre mondial qui lui échappe depuis 2008 (constructeurs), Ferrari a utilisé l'année 2021 comme une première rampe de lancement. Cela a commencé par son nouveau moteur introduit au cours de la deuxième partie de saison.
"En sachant qu'à partir de cette année, les moteurs sont gelés pour quatre ans, il était évidemment important de commencer avec une unité de puissance au niveau de celles de nos rivaux", avait ainsi expliqué Binotto avant le premier Grand Prix à Bahreïn. "À la fin de la saison dernière, nous avions un retard de 20 à 25 chevaux, le premier but était donc de réduire cet écart."
Au vu des deux séances de qualifications à Sakhir (pole pour Leclerc) et Jeddah (2e et 3e temps), le moteur italien est revenu au niveau des premiers et pourrait même les avoir dépassés. Même les écuries clientes, reléguées en fond de grille ces dernières saisons et désormais régulièrement dans le top 10, en profitent, à l'image des Haas et Alfa Romeo."C'est sûr que nous ne sommes pas derrière, et nous sommes même peut-être un peu devant. Mais ce n'est pas une conclusion ferme", a tempéré Binotto.
Fiabilité et performance
Sur le châssis, dont la réglementation a changé en profondeur, les progrès sont importants. La F1-75 est assez audacieuse dans sa conception et ses choix techniques dont les parties les plus visibles sont le nez pointu, les pontons creusés et les entrées d'air. Des choix validés très rapidement en piste. Avec près de 800 tours bouclés à Fiorano cet hiver, la voiture a fait preuve d'une fiabilité bienvenue. "C'est certainement l'une des préparations les plus faciles que j'ai eues avant une saison", reconnaît le Monégasque Charles Leclerc. "Aucun problème majeur [alors que], surtout sur un projet aussi nouveau, vous vous attendez toujours à trouver des obstacles."
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— Scuderia Ferrari (@ScuderiaFerrari) March 23, 2022Ferrari a surtout très vite mis le doigt sur le phénomène "marsouinage" (rebondissement des monoplaces dans les lignes droites) rencontré par toutes les équipes. "On a apporté quelques modifications pour ça, a juste indiqué Binotto qui pense désormais à optimiser son auto. Ces voitures sont tellement différentes du passé qu'il faut les comprendre avant d'en tirer tout le potentiel. C'est en cours. Il y a plus à tirer du package actuel. On se concentre là-dessus avant d'amener des développements pendant la saison."
En position de force ?
Grâce à son doublé à Bahreïn, première victoire depuis 2019, et son double podium à Jeddah (Arabie Saoudite), Ferrari dispose désormais d'un peu de marge sur la concurrence avant d'apporter les premières retouches à ses monoplaces. Une position confortable puisque la limitation du plafond budgétaire contraint les équipes dans leurs évolutions au fil de la saison. À ce petit jeu, l'avantage est toujours à celui qui en garde sous le pied. Mercedes l'avait très bien compris. Mais les Flèches d'argent ont peut-être trouvé leur maître cette saison. Elles trustent les podiums et elles sont Rouges.